(Québec) La communauté innue de Pessamit sur la Côte-Nord, le gouvernement Legault et Hydro-Québec franchissent un premier pas vers d’éventuels partenariats de développement énergétique. Le rapprochement demeure fragile tandis que la méfiance des Innus persiste.

Des membres de la communauté ont d’ailleurs manifesté jeudi à l’entrée de la communauté bloquant ainsi l’accès au premier ministre à Pessamit, située à l’ouest de Baie-Comeau. François Legault a finalement pu accéder au territoire peu avant la cérémonie de signature.

Le gouvernement Legault, Hydro-Québec et la communauté innue ont conclu une entente-cadre « historique » qui assure une trêve de deux ans entre les parties pour négocier d’éventuels accords de développement énergétique.

Le grand patron d’Hydro-Québec, Michael Sabia, le ministre responsable des Premières Nations et des Inuit, Ian Lafrenière et la ministre responsable de la Côte-Nord, Kateri Champagne Jourdain, étaient aux côtés des membres du conseil de bande de Pessamit, et leur cheffe, Marielle Vachon.

« On se doit d’être fiers d’être Innus, on a les compétences pour pouvoir négocier avec les gouvernements et nous faire entendre, écouter », a souligné la cheffe Vachon, ajoutant que le travail avait été « très ardu ».

Le fruit de l’entente-cadre doit être présenté en soirée jeudi aux membres de la communauté.

En signe de bonne foi, Pessamit a suspendu ses poursuites judiciaires contre Hydro-Québec, qu’elle accuse d’exploiter le Nitassinan (terres ancestrales) sans leur accord depuis 65 ans. Québec et la société d’État acceptent en retour de suspendre les travaux de rehaussement du niveau d’eau du réservoir Manicouagan.

Québec verse également à Pessamit un montant de 45 millions à la signature. Ces sommes serviront au développement de communauté de quelque 2400 âmes, notamment à la construction de logement.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

François Legault

« L’objectif, c’est d’améliorer la qualité de vie des membres de la communauté, et je veux être très clair, ce n’est pas un règlement de vieux conflits avec Hydro-Québec et ce n’est pas non plus une contribution aux partenariats éventuels qu’on pourrait avoir dans des projets », a expliqué M. Legault.

Ce dernier a été très prudent dans ses propos refusant même d’évoquer les projets de développement dans la ligne de mire d’Hydro-Québec sur le territoire de Pessamit.

L’entente-cadre « propose entre autres des solutions concernant la gestion du réservoir Manicouagan et des engagements concernant le développement éolien », peut-on lire dans le communiqué.

« Ça dépendra des projets sur lesquels on s’entendra, je ne veux pas rentrer dans les détails de négociations ou discussions de projets éventuellement », a répété le premier ministre.

En janvier, Hydro-Québec a retenu le projet éolien d’Innergex au nord de Baie-Comeau, qui doit se réaliser avec les Innus de Pessamit, dans le cadre de son dernier appel d’offres de production d’énergie éolienne. M. Legault a affirmé que l’entente-cadre visait « d’autres projets ».

Défis énormes pour Hydro

La société d’État affronte d’énormes défis. Elle doit répondre à une forte augmentation de la demande d’électricité qui va doubler d’ici 2050 avec la décarbonation et la croissance de l’économie. Il lui faut donc ajouter jusqu’à 200 TWh d’énergie, dont 60 TWh d’ici 2035.

Il est acquis que Québec aura besoin de l’accord des Premières Nations pour développer des projets énergétiques sur leurs terres ancestrales.

« Concrètement, nous voulons que les communautés, si elles le veulent, fassent partie de projets dès le départ et qu’elles bénéficient de revenus autonomes qu’elles pourront utiliser comme elles le souhaitent », a soutenu M. Sabia, vendredi.

Les barrages hydroélectriques restent aux yeux de François Legault « la meilleure option » pour combler les besoins énergétiques énormes, faisait-il valoir l’automne dernier lors de l’inauguration du mégacomplexe de la Romaine.

Pour l’heure, Hydro-Québec étudie seulement un nouvel ouvrage sur la rivière du Petit Mécatina, aussi sur la Côte-Nord. L’acceptabilité sociale des Innus d’Unamen Shipu est loin d’être atteinte.

« C’est pas facile », a convenu vendredi M. Legault. « Regardez par exemple à Pessamit, il n’y avait pas eu le début du commencement d’une négociation depuis dix ans et avant ça, ça avait échoué », a-t-il dit.

François Legault a affirmé jeudi vouloir multiplier les ententes « de vrais partenariats financiers » avec les Premières Nations. C’est d’ailleurs le mandat qu’il a confié à M. Lafrenière au début de son deuxième mandat.