Le port de Montréal est « délaissé » au profit de concurrents à cause de « l’incertitude » entourant le renouvellement de la convention collective de ses 1100 débardeurs, affirment le syndicat des vérificateurs et l’Association des employeurs maritimes (AEM). Ils demandent aux débardeurs de reprendre « rapidement » les négociations avant que les choses n’empirent.

Il n’a fallu que 48 heures de « pourparlers intenses » entre les vérificateurs – qui côtoient les débardeurs sur les quais – et l’AEM pour s’entendre sur un nouveau contrat de travail de six ans, entériné par plus de 80 % des syndiqués. En annonçant l’accord, ce lundi, les deux parties interpelleront les débardeurs, qui sont représentés par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP).

« L’instabilité et l’incertitude causées par la lenteur à conclure les négociations font en sorte que [le port de Montréal] est délaissé pour plusieurs cargaisons non essentielles, et ce, au profit d’autres ports », souligne la déclaration commune, que La Presse a pu consulter.

Il y a environ 140 vérificateurs au port de Montréal. Ceux-ci sont essentiellement responsables de la logistique des chargements et des déchargements des conteneurs. À l’instar des débardeurs, dont la convention collective est venue à échéance le 31 décembre dernier, l’AEM est leur employeur. Les deux groupes ont des conditions de travail « similaires », précisent les vérificateurs.

Qu’est-ce que l’Association des employeurs maritimes ?

C’est l’employeur des débardeurs, qui chargent et déchargent les navires. L’Association négocie et administre les contrats de travail de ses membres à Montréal, Contrecœur, Trois-Rivières, Bécancour, Hamilton et Toronto.

De manière cumulative, il y a eu une « diminution inquiétante » de 24 % du volume de conteneurs depuis janvier 2022, affirment les vérificateurs et l’AEM. Ils reconnaissent que cette tendance est également attribuable au ralentissement économique. La tendance ne semble pas près de s’inverser. En janvier, le recul du trafic de marchandises conteneurisées avait été de l’ordre de 5,2 % par rapport à la même période en 2023.

« Les conséquences qui découlent de l’absence de progrès depuis septembre dernier risquent uniquement d’aggraver une situation déjà critique pour la population desservie par le port de Montréal », plaident le local 1657 des vérificateurs du port de Montréal et l’employeur.

En septembre dernier, La Presse rapportait que des gestionnaires dans l’industrie maritime pensaient déjà à des plans B pour faire transiter des marchandises ailleurs sur la côte advenant une nouvelle grève aux installations de Montréal. Le port de Vancouver – le plus important au pays – avait été paralysé par une grève pendant 13 jours en juillet dernier.

Au neutre

L’AEM affirme qu’après plus de 180 jours de négociations avec le SCFP, les pourparlers n’ont pas avancé. Un processus de demande de services essentiels est toujours en cours devant le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI). C’est ce tribunal quasi judiciaire spécialisé qui doit déterminer quels services essentiels seraient à maintenir en cas de conflit de travail. Sa décision se fait toujours attendre. Entre-temps, il ne peut y avoir de moyens de pression, de grève ou de lock-out.

L’AEM a également déposé, auprès du CCRI, deux plaintes pour manquement aux obligations de négocier de bonne foi à l’endroit du syndicat. Elles concernent notamment des propos du représentant syndical Michel Murray. Dans un cas, l’employeur reproche à M. Murray ses déclarations prononcées devant le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités aux Communes, le 7 décembre dernier, dans le cadre d’un témoignage. En parlant de l’AEM, le représentant syndical avait affirmé que « les vrais décideurs » n’étaient pas assis à la table de négociation, souligne la plainte. Selon l’AEM, cela constitue un « manquement » aux dispositions du Code canadien du travail concernant l’obligation de négocier de bonne foi.

Le dernier débrayage au port de Montréal avait pris fin au printemps 2021 avec l’adoption d’une loi spéciale par Ottawa. Le 9 décembre 2022, l’arbitre André G. Lavoie avait décrété les modalités du contrat de travail des débardeurs, en renvoyant la balle aux deux parties. Des questions comme les horaires de travail et la sécurité d’emploi, au cœur de l’impasse, doivent être réglées à la table de négociation, affirmait M. Lavoie.

C’est dans ce contexte que les négociations entre le SCFP et l’AEM ont repris en septembre dernier.

Le conflit entre les débardeurs et l’AEM 

10 août 2020 : une grève générale illimitée est déclenchée.

21 août 2020 : une trêve de sept mois intervient.

26 avril 2021 : nouvelle grève générale illimitée

30 avril 2021 : Ottawa force un retour au travail avec une loi spéciale.

9 décembre 2022 : un arbitre tranche sur une nouvelle convention collective.

En savoir plus
  • 150 000 $
    Salaire annuel moyen d’un débardeur au port de Montréal en 2023
    source : association des employeurs maritimes