Le gaz naturel renouvelable (GNR), qui suscite beaucoup d’attentes pour remplacer l’énergie fossile et décarboner l’économie du Québec, n’est peut-être pas aussi abondant ni aussi vert qu’on le croit.

C’est la conclusion d’une étude réalisée par Marc Dionne, étudiant en sciences de l’environnement, et Éric Pineault, président du comité scientifique de l’Institut des sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Montréal.

« Le volume disponible de GNR est incertain et assurément beaucoup plus faible que les chiffres qui ont circulé jusqu’ici », conclut l’étude. Il devrait être réservé aux usages industriels pour lesquels il n’y a pas de possibilité d’électrification, selon ses auteurs, et non mélangé au gaz fossile dans le réseau gazier.

La production à grande échelle de GNR à partir de résidus agricoles pose des risques de détérioration des sols cultivables, estiment les auteurs. Le GNR produit à partir de la biomasse forestière peut aussi entraîner la perte de zones à haute valeur écologique et une augmentation des émissions de gaz à effet de serre qui seraient compensées beaucoup plus tard dans le temps par la régénération des forêts.

Manque de connaissances

Les auteurs de l’étude estiment qu’on manque de connaissances sur la production et l’utilisation d’une ressource qui a une grande valeur environnementale, et ils mettent en doute la stratégie d’Énergir, qui veut injecter jusqu’à 10 % de GNR dans son réseau.

« Le modèle d’affaires actuel et à moyen terme d’Énergir n’implique pas une priorisation de ses clients industriels, pour qui l’approvisionnement en méthane est critique parce que non substituable, mais plutôt une distribution indiscriminée du GNR vers de multiples usages pour lesquels des substituts et solutions de rechange existent », disent les auteurs.

Le Québec a besoin du gaz naturel renouvelable pour se décarboner, assure Éric Pineault lors d’un entretien avec La Presse, à condition de l’utiliser pour les bons usages. « Là, on veut gérer la pointe [d’électricité], faire des crêpes et répondre aux besoins de l’industrie », illustre-t-il.

« On avance la tête baissée dans de gros projets de biométhanisation comme le fait Énergir sans avoir les connaissances nécessaires sur la filière, dit Éric Pineault. Énergir veut sauver ses tuyaux, je le comprends, mais il nous manque une vue d’ensemble. »

Énergir s’est associée à une entreprise danoise, Nature Energy, pour construire dix usines de biométhanisation au Québec, dans des régions fortement agricoles. Des investissements de 1 milliard sont prévus pour réaliser ces projets.

Il est préoccupant de voir émerger au Québec des méga-usines de biométhanisation du lisier et d’observer que le gouvernement appuie financièrement ces opérations en puisant dans les fonds de la transition énergétique.

Les auteurs de l'étude

Des firmes comme WSP et Aviseo ont déjà tenté d’évaluer le potentiel de production du gaz naturel renouvelable au Québec. Le potentiel théorique établi par ces études est surestimé, selon l’étude, parce qu’il ne tient pas compte des autres utilisations de la biomasse.

Le potentiel le plus important provient de la forêt québécoise dont la biomasse est déjà exploitée, notamment par les fabricants de panneaux d’aggloméré. « Est-ce qu’il faudra couper plus d’arbres pour produire du GNR ? C’est le genre de questions qu’il faut poser parce qu’il y aura des arbitrages à faire », dit le professeur.

Caractéristiques

Une fois produit, le GNR a les mêmes caractéristiques que le gaz naturel fossile. Sa combustion émet 206,7 grammes d’équivalent de CO2 par kilowattheure. En comparaison, la combustion du pétrole émet 261,9 grammes d’équivalent CO2 par kilowattheure et celle du diésel émet 265 grammes d’équivalent de CO2 par kilowattheure. Il est dit carboneutre parce qu’il est tiré de matières renouvelables, soit les arbres ou les résidus agricoles.

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