(Montréal) Le télétravail imposé par la pandémie de COVID-19 a été plus stressant pour les Françaises que pour les Québécoises, révèle une étude pilotée par une chercheuse de l’Université Laval.

Les Québécois, en revanche, ont été plus stressés par la situation que leurs cousins français, même si ces derniers semblent avoir trouvé moins difficile la distanciation par rapport à leur milieu de travail.

« On a comparé la France et le Québec parce qu’on a deux contextes nationaux et sociétaux qui ne sont pas les mêmes en termes de soutien du rôle des femmes », a expliqué la responsable de l’étude, la professeure Gaëlle Cachat-Rosset, de la faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval.

« On a considéré le Québec comme étant un contexte plus égalitaire hommes-femmes […] alors que la France, on a considéré que c’était un contexte plus inégalitaire, plus ancré dans les rôles traditionnels féminins. »

Les différences constatées entre le Québec et la France découlent donc apparemment de l’ampleur des inégalités qui existent entre les hommes et les femmes dans chaque juridiction.

En France, par exemple, les auteurs de l’étude ont constaté que le facteur de stress lié à l’interférence de la famille dans le travail était particulièrement important chez les femmes, possiblement parce que les rôles traditionnels entre les hommes et les femmes à la maison semblent encore être présents.

Pendant ce temps, au Québec, le stress plus important vu chez les hommes tient possiblement à leur implication plus active à la maison. Mais puisque ce partage des tâches familiales n’a pas réduit pour autant le stress des femmes québécoises, disent les auteurs, cela impliquerait une augmentation du niveau de stress moyen au sein de la population québécoise en télétravail pendant la pandémie.

Le Québec a adopté, au cours des dernières décennies, des mesures qui ont contribué à réduire les écarts entre les hommes et les femmes, notamment en mettant en place les infrastructures nécessaires pour faciliter la garde des enfants, a rappelé le co-auteur de l’étude, le professeur Alain Klarsfeld, de l’école française de gestion TBS Éducation.

« Les écarts (entre les hommes et les femmes au Québec) se sont réduits à la fois dans le monde du travail et dans la sphère hors-travail, alors qu’en France, on n’a pas eu ces lois », a commenté le professeur Klarsfeld pour expliquer les écarts constatés entre les deux sexes de chaque côté de l’Atlantique.

Par exemple, dit-il, la France ne s’est pas encore dotée d’une structure collective de garde d’enfants comparable aux CPE québécois, donc « le mode de garde privilégié c’est la famille, et notamment la mère ; on trouve une répartition des rôles sexués plus traditionnels ».

Isolement organisationnel

Les Français apprennent très jeunes à afficher, du moins en surface, une distanciation par rapport à leurs occupations professionnelles, a dit le professeur Klarsfeld, ce qui pourrait expliquer pourquoi les Français ont apparemment été moins stressés que les Québécois par une pandémie qui les a coupés de leur milieu de travail.

Les Québécois seraient donc plus impliqués émotionnellement envers leur travail que les Français, une attitude que l’on pourrait résumer par « Travailler pour vivre » en France et « Vivre pour travailler » au Québec.

« Le travail n’est pas une fin en soi en France, ce n’est pas associé à l’épanouissement personnel ou au développement personnel, ce qui peut beaucoup plus être le cas dans la culture québécoise », a dit Mme Cachat-Rosset.

Ces résultats, disent les auteurs de l’étude, sont riches de leçons alors qu’on réalise que le télétravail est là pour rester.

On supposait à un certain moment que les gens allaient se blaser du télétravail et vouloir rentrer au bureau, mais presque quatre ans plus tard, on constate que ce n’est pas du tout le cas, a rappelé Mme Cachat-Rosset.

« C’est la nouvelle normalité et elle est là pour rester, a-t-elle ajouté. Donc c’est fondamental pour nous de tirer des leçons de cette expérience à échelle géante (NDLR, la pandémie) pour voir ce qui est important de mettre en place pour soutenir un télétravail qui soit efficace, mais qui soit aussi un gage de bien-être et qui préserve chacun des individus dans ses rôles, dans ses attentes ou dans sa relation au travail. »

Les conclusions de cette étude ont été publiées par la revue New Technology, Work and Employment.