Cinq entreprises québécoises ont dépensé plus de 100 000 $ chacune en cartes cadeaux de la SAQ l’année dernière, dont une ayant acheté pour 2 355 275 $ de cartes. Ce faisant, elle a eu droit à une prime d’une valeur de 7 %.

La SAQ propose aux entreprises qui souhaitent acheter des cartes cadeaux en grande quantité, pour leurs employés ou leurs partenaires d’affaires, des ristournes de plus en plus avantageuses selon la somme dépensée. Les primes les plus importantes sont offertes aux entreprises qui dépensent plus de 100 000 $. Elles reçoivent 7 % de la valeur de leur achat.

Concrètement, elles auront donc plus de cartes, une valeur de 107 000 $ pour une somme déboursée de 100 000 $.

C’est beaucoup, mais quelques-unes dépassent largement ce seuil.

À elles cinq, les sociétés qui ont le plus dépensé pour des cartes cadeaux SAQ l’année dernière ont allongé plus de 3 millions de dollars. On ne connaît pas leurs noms, mais dans un courriel, la SAQ a précisé que la firme qui a dépensé plus de 2 millions de dollars « distribue plusieurs cartes cadeaux de diverses entreprises pour des programmes de reconnaissance employés, des levées de fonds et autres. »

Loin derrière, la deuxième firme la plus généreuse en cartes cadeaux SAQ a dépensé plus de 337 000 $ en 2023 et la troisième, pratiquement 290 000 $.

Cette pratique est bien connue des gens de l’industrie qui dépensent de grandes sommes en vins et autres spiritueux.

« C’est une offre gagnant-gagnant ! Vous faites des heureux avec un cadeau distingué et pratique qui offre le plaisir de choisir et vous obtenez une prime », mentionne la promotion de la SAQ qui s’adresse aux entreprises et dont tous les détails sont disponibles sur le site de la société d’État.

Les sommes dépensées par certaines firmes feront néanmoins sourciller certains observateurs, puisque l’utilisation de ces cartes, comme celles de tout autre détaillant, peut être une façon de faire de l’évasion fiscale, rappelle Jonathan Légaré, chef de la direction de la firme d’enquêtes privée Vidocq et ancien enquêteur civil au sein de la GRC et de la commission Charbonneau.

« C’est un phénomène hyper connu », précise-t-il.

Déjà, l’achat des cartes passe comme une dépense pour une entreprise, d’un point de vue comptable, rappelle-t-il aussi. Ce qui peut être très avantageux. De plus, ces valeurs non monétaires posent ensuite un enjeu de traçabilité. « Qui reçoit ces cartes cadeaux là ? », se demande Jonathan Légaré, lui-même très dubitatif.

La SAQ ne transmet pas « systématiquement » à Revenu Québec les noms des entreprises grandes consommatrices de ses cartes cadeaux. « Cependant, si nous recevions une demande de Revenu Québec concernant une vente particulière, nous collaborerions pour fournir les renseignements demandés », a déclaré la porte-parole de la société d’État. Clémence Beaulieu-Gendron a aussi précisé que la SAQ n’a pas reçu de demande particulière de Revenu Québec pour les clients les plus généreux en cartes cadeaux, l’année dernière.

De plus en plus de primes

Il faut toutefois acheter un minimum de 5000 $ pour avoir droit à des bénéfices.

Un achat d’au moins 5000 $ et jusqu’à 50 000 $ (49 999 $) offre une ristourne de 4 % à la firme qui profite de la promotion. Les retours sont plus généreux selon la valeur de l’achat.

De 50 000 $ à 75 000 $, la prime passe à 5 %. Trois entreprises ont dépensé ces sommes en 2023.

Une seule entreprise a acheté des cartes cadeaux valant entre 75 000 $ et 100 000 $ l’année dernière, ce qui lui a tout de même valu une prime de 6 %.

La porte-parole de la SAQ, Clémence Beaulieu-Gendron, a aussi expliqué que les achats peuvent être cumulés dans l’année, à partir du 1er janvier. Donc, dès qu’une entreprise dépense le minimum, elle obtient ses bénéfices qui peuvent être bonifiés, si elle poursuit ses achats et passe au seuil suivant.

Aucun point Inspire n’est attribué avec ce programme.

Le nombre d’entreprises très grandes consommatrices de cartes cadeaux est toutefois en baisse. En 2018, une dizaine d’entreprises avaient dépassé le seuil de 100 000 $, puis onze, l’année suivante. Le groupe s’est restreint ensuite pour atteindre cinq membres, l’année dernière.

Un contexte particulier

On peut se demander si cette pratique est là pour de bon, dans un contexte où les ventes à la SAQ sont en baisse et où la société d’État cherche à maintenir ses revenus.

En ce sens, la SAQ a procédé à d’importants changements ces derniers mois. La SAQ a coupé dans les rabais offerts aux clients de ses succursales « Dépôt » au mois de novembre dernier. Ceux qui y achètent une caisse de 12 bouteilles ont désormais droit à 10 % de rabais – plutôt que 15 % auparavant. Le rabais passe de 10 % à 5 % pour la caisse de six bouteilles.

Puis, le mois dernier, le président de la SAQ Jacques Farcy a annoncé une hausse des marges sur toutes les ventes de bouteilles de plus de 15 $. L’augmentation de cette majoration sera en vigueur dès le mois de mai.

Avec William Leclerc, La Presse

Des montants importants

Il n’y a pas que les entreprises qui s’offrent des cartes cadeaux à la SAQ. En 2023, au total, la société d’État a activé près de 68 millions de dollars en cartes cadeaux. Plusieurs étaient assurément destinées aux Fêtes et à la fin d’année puisque le mois de décembre seulement compte pour plus de 24 millions de dollars de cette valeur.

En savoir plus
  • 1877
    La SAQ a augmenté le prix de 1877 produits en novembre 2023, pour une hausse en moyenne de 1,2 %
    Source : SAQ