(Calgary) Le géant de l’énergie Enbridge exhorte ses actionnaires, lors de sa prochaine assemblée annuelle, à voter contre une proposition d’actionnaire l’appelant à en faire davantage pour divulguer l’impact climatique de ses activités d'oléoducs.

La proposition d’actionnaire déposée par Investors For Paris, un groupe qui vise à tenir les sociétés cotées en bourse responsables de leur promesse d’atteindre l’objectif de zéro émission nette, appelle Enbridge à divulguer ses émissions de portée 3, c’est-à-dire les émissions produites par le pétrole et le gaz naturel qu’elle transporte dans son réseau de canalisations.

« Si la viabilité financière d’une entreprise dépend de la libération d’émissions de portée 3 —  comme c’est le cas pour Enbridge —, alors il est essentiel que les investisseurs aient un portrait complet de ces émissions », peut-on lire dans la proposition.

Les émissions de portée 3 sont celles dont une entreprise est indirectement responsable, comme les gaz à effet de serre générés lorsqu’un client utilise ses produits.

La plupart des grandes entreprises énergétiques canadiennes divulguent actuellement les émissions qu’elles produisent elles-mêmes dans le cadre de leurs opérations commerciales quotidiennes, mais se montrent beaucoup plus réticentes à assumer la responsabilité des émissions finales, comme celles produites lorsque les consommateurs brûlent des combustibles fossiles dans leurs voitures.

L’inclusion des émissions de portée 3 dans leurs bilans sur le climat augmenterait considérablement la taille de l’empreinte carbone que les sociétés énergétiques doivent déclarer aux investisseurs et au public.

Enbridge divulgue actuellement les émissions de portée 3 produites par ses activités de services publics de gaz naturel, en comptabilisant les émissions générées lorsque les clients brûlent du gaz naturel pour chauffer leur maison.

Mais elle ne fournit pas de compte rendu de l’utilisation finale des produits combustibles fossiles qu’elle transporte dans son activité d'oléoduc.

Le directeur de l’engagement des entreprises chez Investors For Paris, Duncan Kenyon, estime que cette situation est problématique, car les actionnaires ont besoin de savoir si le portefeuille de l’entreprise est aligné sur un avenir qui dépendra de plus en plus des énergies renouvelables et d’autres formes d’énergie propre.

« De nombreux actionnaires savent que les émissions de portée 3 ne sont pas seulement une mesure qui démontre l’impact d’une entreprise sur les gaz à effet de serre. Elles servent aussi à observer vers où l’entreprise se dirige dans le cadre de la transition énergétique », a-t-il expliqué.

« C’est une mesure qui met en évidence le risque d’exposition de l’entreprise à la transition énergétique. »

De plus en plus fréquent

Les émissions de portée 3 sont de plus en plus scrutées dans les propositions d’actionnaires. Au cours des deux dernières années, selon une base de données de Ceres, une organisation qui suit les résolutions d’actionnaires liées au climat, plus de 30 propositions liées aux émissions de portée 3 ont été présentées lors des assemblées générales de grandes sociétés cotées en bourse en Amérique du Nord.

Investors for Paris a d’ailleurs présenté une résolution similaire à l’assemblée annuelle d’Enbridge l’année dernière, au cours de laquelle environ 25 % des actionnaires ont voté en faveur de l’adoption, par la société, de pratiques de divulgation plus étendues des émissions de portée 3.

Dans sa réponse à la proposition présentée cette année, Enbridge a indiqué qu’elle était actuellement incapable de suivre de manière précise et fiable l’utilisation par des tiers du pétrole et du gaz naturel qu’elle transporte pour ses clients.

L’entreprise a ajouté qu’elle prenait au sérieux les émissions de portée 3 et a commencé en 2021 à déclarer « l’intensité des émissions » de l’énergie qu’elle transporte par oléoduc.

Mais elle a soulevé qu’il n’existe pas de lignes directrices réglementaires claires ni de méthodologies largement acceptées pour comptabiliser les émissions d’utilisation finale des produits qu’elle transporte.

« Nous allons procéder à de nouvelles améliorations quant à nos émissions de portée 3 là où des définitions acceptées pour notre activité existent et où des données utiles à la décision sont disponibles », a déclaré la société.

En exhortant les actionnaires à voter contre la proposition, Enbridge a aussi averti les investisseurs de se méfier des militants environnementaux qui acquièrent des actions d’une entreprise dans le seul but de présenter une proposition pour faire campagne en faveur du changement.

« Les propositions d’actionnaires font désormais partie des outils utilisés par certains militants écologistes pour obtenir de la publicité », a soutenu l’entreprise.

L’assemblée générale annuelle d’Enbridge aura lieu le 8 mai.