(Ottawa) Le président et chef de la direction d’Air Canada et des groupes de défense ont présenté des points de vue opposés sur l’accessibilité du système aérien du pays.

Michael Rousseau, qui dirige la plus grande compagnie aérienne du Canada, a témoigné mardi devant le comité des transports de la Chambre des communes. Il a soutenu qu’une écrasante majorité des 1,3 million de passagers qui ont demandé une assistance spéciale l’année dernière ont eu une expérience positive. Environ 1950 personnes ont déposé une plainte, représentant 0,15 % de ces usagers.

« Il ne s’agit pas de minimiser le nombre d’incidents ni la gravité des conséquences que ces perturbations ont eu sur les personnes impliquées. Mais c’est un contexte important qui indique, premièrement, que nous faisons du bon travail et, deuxièmement, plus important encore, que nous devons et nous allons nous améliorer », a déclaré M. Rousseau.

« Nous avons conclu que le principal problème était l’inconsistance (des services) », a-t-il ajouté, suggérant qu’une formation pourrait y remédier.

Toutefois, un défenseur des droits des personnes handicapées, David Lepofsky, a affirmé que les statistiques sur les plaintes ne reflètent pas l’expérience de nombreuses personnes vivant avec un handicap, qui attendent parfois des heures sans assistance ou doivent expliquer aux employés comment les guider.

« Personnellement, j’ai passé quatre heures garée devant une porte d’embarquement à attendre un vol », a confié Heather Walkus, qui dirige le Conseil des Canadiens avec déficiences.

« Personne n’est venu me voir. Il n’y avait aucun moyen de contacter qui que ce soit. Je devais aller aux toilettes. Je ne pouvais pas aller chercher de la nourriture », a-t-elle précisé.

« Nous sommes déplacés comme des bagages d’un bout à l’autre. »

M. Rousseau a reconnu que ces problèmes sont « probablement sous-estimés ».

M. Lepofsky a répliqué.

« Pouvoir dire que vous faites du bon travail en faisant valoir certains chiffres, c’est être incroyablement déconnecté de notre expérience », a-t-il déclaré au comité des transports.

« Air Canada nous a dit aujourd’hui que […] les problèmes sont rares ou peu fréquents et que tout ce que ça prend, c’est une éducation ou une formation accrue pour son personnel. Chacune de ces affirmations est fausse », a affirmé M. Lepofsky, qui dirige l’Accessibility for Ontarians with Disabilities Act Alliance.

« En tant que personne aveugle, je redoute de pénétrer dans l’espace aérien canadien. »

M. Lepofsky réclame qu’une ligne d’assistance téléphonique accessible pour les voyageurs vivant avec un handicap soit mise en place dans chaque compagnie aérienne, que des « acheteurs secrets » se faisant passer pour des passagers soient déployés par les régulateurs pour évaluer les pratiques de service à la clientèle et que l’assistance du trottoir à la porte soit prise en charge par un seul employé – plutôt que d’être « passée comme un relais » par un maximum de cinq travailleurs.

Le Canada a besoin de règles plus strictes et d’une application plus rigoureuse afin de garantir la conformité et la responsabilité, ont affirmé les défenseurs.

De multiples incidents impliquant des compagnies aériennes canadiennes sont survenus au cours de la dernière année, dont le cas d’un homme de la Colombie-Britannique atteint de paralysie cérébrale spastique qui a été forcé de se traîner hors d’un avion d’Air Canada à Las Vegas.

Dans le cadre d’un plan triennal, Air Canada s’est engagée à mettre en œuvre différentes mesures telles que la création d’un poste de directeur à l’accessibilité à la clientèle – désormais en place – et l’exigence d’une formation annuelle pour ses 10 000 employés de première ligne.

Des règles plus transparentes

Plus tôt cette année, le transporteur a formé un comité consultatif composé de clients vivant avec un handicap et a lancé le « programme tournesol » dans le cadre duquel un cordon porté par les voyageurs indique au personnel qu’ils pourraient avoir besoin d’une assistance spéciale. Il s’agit de la première compagnie aérienne en Amérique du Nord à le faire.

Également, Air Canada permet désormais aux clients de suivre en temps réel leurs aides à la mobilité enregistrées grâce à une application.

M. Rousseau s’est dit ouvert à des règles plus transparentes concernant le signalement des plaintes, tout en affirmant que d’autres acteurs de l’aviation devraient être inclus et que toute mesure devrait être « non punitive ».

Aux États-Unis, toutes les plaintes déposées auprès des compagnies aériennes sont transmises au régulateur fédéral. « Au Canada, nous devons essentiellement vous croire sur parole », a déclaré le porte-parole du NPD en matière de transports, Taylor Bachrach.

M. Rousseau a également déclaré qu’Air Canada discutait avec les géants de la construction aéronautique Boeing Co. et Airbus SE au sujet de refontes visant à faciliter l’accès aux toilettes, en particulier sur les avions à fuselage étroit.

« Les toilettes ne sont pas conçues pour être utilisées par des personnes qui ne sont pas en parfaite condition physique, et elles ne sont certainement pas accessibles aux personnes en fauteuils roulants », a souligné la députée libérale Annie Koutrakis.

Lundi, le gouvernement a annoncé un sommet sur l’accessibilité aérienne prévu pour le 9 mai. Mais M. Lepofsky a semblé d’accord avec Dan Muys, membre conservateur du comité, qui a remis en question l’intérêt de ce rassemblement.

« Un sommet est une séance de photos », a lancé M. Lepofsky.

Les défenseurs ont également réclamé des mesures de dissuasion plus fortes de la part de l’Office des transports du Canada.

Les sanctions contre les grandes compagnies aériennes pour violations de handicaps atteignent parfois 100 000 $. Plus tôt cette année, l’agence a infligé une amende de 11 000 $ à Air Transat après avoir échoué à fournir rapidement un remplacement approprié à l’aide à la mobilité d’un passager qui avait été perdue à son arrivée à Venise.

Le propriétaire de la compagnie aérienne Transat A. T. a réalisé un chiffre d’affaires de 3 milliards l’année dernière. Air Canada a affiché des revenus de 21,8 milliards.

« Le régulateur n’a pas réussi à obtenir le résultat auquel nous avions droit », a affirmé M. Lepofsky.

L’agence n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires.

Les problèmes vont au-delà d’une seule compagnie aérienne ou d’un seul organisme de réglementation, car des « trous béants » dans la Loi canadienne sur l’accessibilité permettent à des problèmes de persister dans des domaines allant de la consultation aux protocoles d’assistance, a soutenu Heather Walkus – malgré la refonte réglementaire de 2020 provoquée par cette législation.