Après moins d’une décennie et 700 millions en soutien public, tout indique que l’aventure des diamants tire à sa fin au Québec. L’outillage de la mine Renard a trouvé preneur, mais ce symbole du Plan Nord, qui fera une fois de plus perdre des millions aux contribuables, demeurera vraisemblablement à l’arrêt pour encore longtemps.

Deloitte, responsable de la restructuration judiciaire de Diamants Stornoway, s’affaire à finaliser les derniers détails d’une transaction avec un repreneur dans le cadre des procédures qui se déroulent en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) depuis l’automne dernier.

Les documents déposés auprès de la Cour supérieure du Québec ne dévoilent pas l’identité de l’acheteur ni les détails du montage financier ou le prix payé. Selon nos informations, l’objectif de la transaction consisterait essentiellement à mettre la main sur les équipements du complexe minier, comme le concentrateur, le broyeur et les convoyeurs. Une relance des activités de la mine – qui a démarré en 2016 – ne figurerait pas dans les plans.

« Les débiteurs [Stornoway], l’offrant et le contrôleur ont travaillé à la préparation de la documentation définitive afin de soumettre l’accord envisagé à l’approbation du tribunal », écrit Deloitte, dans une requête présentée le 19 mars dernier.

Il n’a pas été possible de s’entretenir avec le président et chef de la direction de Stornoway, Patrick Sévigny. Deloitte n’avait pas voulu commenter la transaction envisagée. Puisque la Cour supérieure a acquiescé à la demande du contrôleur, Stornoway demeurera à l’abri de ses créanciers jusqu’à jeudi, ce qui signifie que la transaction devrait être présentée au tribunal d’ici là.

Aventure mouvementée

L’exploitant du complexe diamantifère Renard s’est placé à l’abri de ses créanciers le 27 octobre dernier, envoyant du même coup 425 salariés – soit 80 % de son effectif – au chômage. C’était la deuxième fois en quatre ans qu’il se retrouvait dans cette position. La compagnie minière n’a pas été capable de résister à la montée en popularité des pierres synthétiques auprès des milléniaux en âge de se fiancer.

« C’est un gisement moyen avec une teneur moyenne, affirme Éric Lemieux, analyste minier chez EBL Consultants. Tout faisait en sorte que la qualité des diamants était moyenne. Quand le prix [de la ressource] diminue, c’est difficile de sortir la tête de l’eau. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Des diamants de la mine Renard, exploitée par Stornoway, dans le Nord-du-Québec.

Aménagée sur le territoire Eeyou Istchee, dans le Nord-du-Québec, la mine Renard a constamment été confrontée à des enjeux financiers. Elle avait redémarré en 2020 après une première restructuration judiciaire en vertu de la LACC. Ses actionnaires étaient Osisko, Investissement Québec (IQ) – le bras financier de l’État québécois –, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et Triple Flag. Le gouvernement Legault avait déjà fait savoir, l’automne dernier, qu’il n’avait pas l’intention de venir à la rescousse de la compagnie minière.

Au moment de la plus récente débâcle, les créances de la minière s’élevaient à 275 millions. IQ (120 millions), Osisko (59 millions) et la CDPQ (25 millions) étaient les créanciers garantis. En principe, ils devraient tous laisser d’importantes sommes sur la table. Cela ne tient pas compte du financement public d’environ 400 millions visant à construire le tronçon routier permettant de relier la minière à la route 167.

Du bon équipement

M. Lemieux estime qu’un repreneur patient aurait pu prendre le temps d’attendre que le prix des diamants remonte avant d’effectuer une nouvelle tentative de relance à la mine Renard. Puisque les équipements de la compagnie sont âgés d’à peine dix ans, ils ont une valeur intéressante, croit l’analyste.

« On a vu cela dans le passé, des compagnies minières qui étaient vendues pour les équipements, raconte l’expert. Ils sont transportés ailleurs pour un autre complexe. La mine Renard n’est pas en fin de vie, mais elle n’en est pas non plus à ses débuts. L’exploitation coûtera de plus en plus cher parce que l’on doit aller plus profond. »

Selon l’aperçu des documents préparés par Deloitte pour les repreneurs potentiels, la durée de vie restante de la mine Renard est d’au moins 12 ans.

Stornoway a imputé sa plus récente chute à la dégringolade du prix du diamant de joaillerie. Celui-ci s’était effondré en réaction à la concurrence des pierres synthétiques. Ce contexte mondial avait même incité l’Inde – un important centre mondial de polissage – à imposer un moratoire temporaire sur les importations de diamants bruts.

En mars 2023, le prix d’un diamant de joaillerie frôlait les 120 $ US le carat. Six mois plus tard, il avait plongé aux alentours de 81,50 $ US. Les prix ont repris du lustre depuis. Mercredi, le prix du carat se négociait aux alentours de 108 $ US. M. Lemieux estime que des prix supérieurs à 120 $ US le carat permettraient à Stornoway de « garder la tête hors de l’eau ».

La situation financière de Stornoway s’était rapidement détériorée après avoir engrangé des profits de 42 millions en 2022. Ses pertes atteignaient 13 millions l’an dernier au moment de se tourner vers la LACC.

L’histoire jusqu’ici :

Octobre 2016 : La mine diamantifère Renard est officiellement inaugurée.

Septembre 2019 : Après une restructuration judiciaire, l’entreprise est reprise par ses créanciers.

Septembre 2020 : Les activités redémarrent à la mine Renard.

Octobre 2023 : Pour une deuxième fois en quatre ans, Stornoway se place à l’abri de ses créanciers.

En savoir plus
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    Repreneurs potentiels sollicités par Deloitte pour Stornoway.
    Source : Deloitte
    800 kilomètres
    Distance de la mine Renard par rapport à Montréal.
    Source : Diamants Stornoway