Agatha Boutique, une référence du commerce en ligne pour bien des parents québécois, a demandé de se mettre à l’abri de ses créanciers en janvier 2023. C’est à partir de ce moment-là que des clients ont commencé à se plaindre d’importants retards. Malgré des problèmes de liquidités et d’approvisionnement, l’entreprise qui tenait boutique à Mont-Royal a continué ses activités de vente en ligne normalement.

Myriam D*. raconte avoir commandé, le 19 avril dernier, une poussette double au coût de 1400 $, taxes incluses. Une importante dépense dans le budget d’une famille en période d’inflation. À ce jour, elle n’a reçu ni sa commande ni son argent. « C’était difficile que le diable de parler à quelqu’un, la ligne était toujours pleine, raconte-t-elle au téléphone. Ils ont aussi désactivé la possibilité de laisser des messages en commentaire dans les réseaux sociaux. » La page Facebook du détaillant regroupe plus de 120 000 abonnés.

La cliente déplore un manque de transparence ; elle aurait aimé savoir avant de passer sa commande qu’Agatha Boutique était en difficulté financière. L’entreprise a finalement baissé pavillon le 11 août dernier. « Après avoir traversé les défis d’une pandémie, navigué dans la pénurie de main-d’œuvre et les difficultés d’approvisionnement, après avoir livré bataille pour redresser l’entreprise, le contexte économique qui affecte actuellement le commerce au détail aura, malgré tous nos efforts, eu raison de nous », a écrit l’entreprise sur son site web.

Selon le dossier de faillite publié par le syndic Raymond Chabot Grant Thornton, Agatha Boutique possédait 557 000 $ d’actif au moment de sa dissolution – dont un stock évalué à 457 000 $ – contre près de 5 millions de dettes.

Le syndic devra d’abord rembourser les créanciers garantis, qui réclament 1,5 million, avant de se tourner vers les créanciers non garantis comme les distributeurs impayés et les clients qui n’ont pas reçu leur commande.

Près d’un millier de consommateurs apparaissent dans cette deuxième catégorie. Plusieurs avaient passé des commandes de plus de 1000 $. Sur la page d’accueil de son site internet, Agatha Boutique suggère aux clients qui avaient une commande en attente de « contacter l’institution financière émettrice de [leur] carte de crédit afin de faire une demande de remboursement via le processus de rétrofacturation ».

Des clients ont reçu leur dû par l’entremise de leur banque ou de leur caisse, tandis que d’autres, comme Myriam D., expliquent avoir été redirigés vers le syndic en raison d’un délai de rétrofacturation de plus de 90 jours. Il faut alors produire une preuve de réclamation, mais les chances que la cagnotte permette un remboursement sont minces. « Les 1400 $ que j’ai payés pour ma poussette, ils ont servi à quoi ? demande Myriam. Les créanciers garantis, ce sont ceux qui ont de l’argent plein les poches. Ce sont les consommateurs, les petites familles, qui écopent. »

Joint par La Presse, André Malenfant, qui était copropriétaire d’Agatha Boutique en compagnie de sa conjointe Agathe O’Donoughue, nous a renvoyé au responsable des communications de l’entreprise, Patrice Attanasio. « C’est l’histoire typique de deux entrepreneurs qui ont tout mis dans leur commerce et qui ont aussi tout perdu, dit-il. Dans une faillite, malheureusement, il y a des clients qui ne reçoivent pas leur matériel. En tout dernier, les commandes étaient annulées, carrément. Ils n’ont pas ramassé d’argent pour s’en mettre dans les poches. »

Était-il risqué de vendre pendant plusieurs mois des produits qui n’étaient pas en stock tout en ayant des problèmes de liquidités ? « Je ne suis pas au courant des détails », dit M. Attanasio.

Ras l’Mpompon

Les clients de Coco Village et d’Agatha Boutique ne sont pas les seuls à maugréer. Mpompon, entreprise d’accessoires mode pour enfants qui a fait faillite en 2020 avant d’être achetée par le groupe Lamour puis revendu aux fondateurs, laisse aussi les consommateurs dans le noir ces dernières semaines. Le site francophone de « la tuque la plus populaire au pays » est inaccessible depuis plusieurs jours et le service à la clientèle ne répond pas aux messages.

La Presse a fait une commande test le 19 juillet. Le montant a été débité sur notre carte de crédit, mais le colis n’a été ni traité ni envoyé. Le site faisait mention d’un délai d’expédition de 2 à 6 jours ouvrables. Notre courriel au service à la clientèle, le 4 août, est resté lettre morte. Ceux envoyés par la suite n’ont « pas pu être remis aux destinataires » puisque le serveur « mpompon. com » n’existe plus.

Dans les derniers mois, Mpompon accumule les « une étoile » dans les avis Google : les clients se plaignent de ne pas recevoir leur commande et de n’avoir aucune réponse par courriel ou dans les réseaux sociaux. Le site en anglais et le compte Instagram de Mpompon sont toujours en activité. En 2018 et en 2019, Mpompon, alors détenue par les entrepreneurs Émilie Legendre et Gontrain Goutier, figurait en tête de liste du nombre de plaintes de l’Office de la protection du consommateur. La situation s’était améliorée depuis la prise de possession du Groupe Lamour, qui détient toujours la marque Mpompon, mais qui a revendu les opérations aux administrateurs initiaux en 2022.

Dans certains messages avec des clients consultés par La Presse, Mpompon soutient avoir été victime d’une « fraude ».

* Nous avons accepté de taire son nom de famille puisqu’elle travaille dans la vente et craint des répercussions professionnelles

Rectificatif
Une version antérieure de ce texte laissait entendre que le groupe Lamour était toujours propriétaire de Mpompon. L’entreprise nous a contactés après la parution de l’article pour préciser qu’elle n’était plus liée aux opérations depuis 2022.