La Grande-Bretagne fait les yeux doux aux investisseurs musulmans. Si tout se passe comme prévu, elle sera la première nation occidentale à émettre des obligations islamiques en 2008.

La Grande-Bretagne fait les yeux doux aux investisseurs musulmans. Si tout se passe comme prévu, elle sera la première nation occidentale à émettre des obligations islamiques en 2008.

Le ministre de la City -le quartier des affaires à Londres- Ed Balls, a exprimé ce souhait lundi, lors d'une conférence au quartier général de l'agence régulatrice de la Bourse de Londres, la Financial Services Authority. Des réformes fiscales ont déjà été adoptées au dernier budget pour permettre l'émission des obligations islamiques, ou «soukouks».

«Nous sommes prêts à tout pour offrir de belles occasions pour les Britanniques musulmans, ainsi que pour consolider la position de Londres comme capitale financière du monde», a expliqué Ed Balls. Un groupe d'étude doit maintenant «examiner les bénéfices» des produis financiers qui respectent la charia, la loi islamique.

Les analystes attendaient cette annonce depuis un moment. Le ministre des Finances, Gordon Brown, avait prédis en juin 2006 que la Grande-Bretagne deviendrait la porte d'entrée du monde des finances islamiques.

Selon la charia, il est défendu de faire de l'argent avec de l'argent. Toute forme d'intérêt usuraire est donc interdite, la spéculation boursière aussi. Pour générer des profits, les fonds islamiques misent sur les actifs comme les immobilisations. Les firmes financières et les clients partagent ainsi les risques et les profits de leurs investissements.

Les pays ont une plus grande marge de manoeuvre. Le Pakistan, par exemple, a émis des obligations liées à son réseau routier, ce qui génère des revenus grâce aux postes de péage.

De plus, il est interdit pour les investissements «halal» de tremper dans les industries de l'alcool, du jeu, de la pornographie, du tabac et des armes.

Le fait que deux millions de personnes vénèrent le Coran en Grande-Bretagne a certainement pesé lourd dans la balance.

La plupart des grandes banques britanniques offrent déjà des comptes bancaires, des hypothèques et des prêts islamiques. La Banque Islamique de la Grande-Bretagne, la première en son genre en Europe, a même pignon sur rue à Londres, Manchester et Birmingham depuis 2004.

Toutefois, les musulmans ont très peu d'options pour faire fructifier leur argent, souligne Tariq Hameed, spécialiste des finances islamiques. «L'investissement immobilier et l'entrepreneuriat demeurent leurs meilleurs atouts», explique-t-il à La Presse.

Le gouvernement britannique lance ainsi un message clair aux banques, croit-il. «Les institutions financières ont du rattrapage à faire. Le marché des finances islamiques est jeune mais important. On ne peut plus parler d'une niche.»

Les chiffres lui donnent raison. La Grande-Bretagne courtise un secteur en explosion à l'échelle internationale. Selon Bloomberg, le marché des «soukouks» a fait un bond spectaculaire en 2006, passant de 8,5 à 18,9 milliards de dollars canadiens. Les prévisions pour 2007? Plus de 22 milliards CAN.

Une perspective alléchante pour Londres, où 70 % des obligations circulent sur le marché secondaire (offertes en Bourse).

L'abondance des liquidités au Proche-Orient a contribué à cette croissance phénoménale. Beaucoup de pétrodollars dorment dans les coffres des pays du Golfe et la Grande-Bretagne veut profiter de la manne, selon l'expert Tariq Hameed.

D'où la décision du gouvernement britannique de damer le pion aux autres pays occidentaux. La Trésorerie a même créé un comité d'experts sur les finances islamiques.

La Grande-Bretagne devrait émettre 134 milliards de dollars d'obligations pour l'exercice 2007-2008. La part que devraient occuper les obligations islamiques n'a pas été dévoilée.