L'aide versée par l'État québécois aux producteurs de porcs pourrait être un cadeau empoisonné qui aggrave la crise du porc plutôt que d'en atténuer les effets.

L'aide versée par l'État québécois aux producteurs de porcs pourrait être un cadeau empoisonné qui aggrave la crise du porc plutôt que d'en atténuer les effets.

C'est en tout cas ce que soutiennent plusieurs observateurs de l'industrie dont Éric Grenon, chercheur associé à l'Institut économique de Montréal.

Dans une note économique publiée récemment, M. Grenon soutient que le Programme d'assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) ne se contente pas d'engloutir d'importantes sommes d'argent public - 96 millions par année en moyenne depuis 10 ans.

Il permet aussi à des producteurs non viables de se maintenir à flot, les empêche de s'adapter aux réalités du marché et freine la consolidation que devrait avoir lieu dans l'industrie québécoise.

«Nos analyses concluent que ce programme est nuisible au secteur porcin», tranche l'économiste dans un entretien à La Presse Affaires. M. Grenon n'hésite pas à placer l'ASRA au rang des facteurs qui ont plongé l'industrie porcine québécoise dans la crise actuelle.

La montée du dollar canadien et les maladies ont certainement eu un rôle à jouer, dit-il, mais «l'aspect récurrent de» crise «au cours des 10 dernières années montre qu'il y a aussi des facteurs structurels en cause.»

L'ASRA est une cagnotte à laquelle les producteurs contribuent à hauteur d'un tiers, tandis que le gouvernement verse les deux tiers restants. Quand les temps sont durs, on puise dans la caisse.

L'objectif est de stabiliser les revenus des agriculteurs pour éviter qu'une mauvaise année n'ait raison d'eux. Sauf que les mauvaises années arrivent souvent: depuis la création de l'ASRA, en 1978, des subventions ont été versées à l'industrie porcine 21 fois sur 29.

M. Grenon reproche au programme de ne pas tenir compte de la performance des fermes avant de verser les subventions. Si les cochons sont vendus sur le marché à un prix moindre qu'un prix de référence calculé par la Financière agricole, les producteurs reçoivent la différence - peu importe s'ils sont efficaces ou non.

«Les producteurs sont ainsi moins incités à réduire leurs coûts de production et à rester concurrentiels», croit-il.

En janvier dernier, Kevin Grier, analyste au Centre George Morris - un organisme indépendant spécialisé dans les questions agricoles - avait aussi affirmé à La Presse Affaires que «l'ASRA garde dans l'industrie des gens qui, autrement, n'y seraient pas et ne devraient pas y être.»

À la Fédération des producteurs de porcs du Québec, on trouve que le programme a le dos bien large.

«Prêter autant de pouvoir à l'ASRA, je crois que c'est carrément exagéré», réplique l'économiste Richelle Fortin. Selon elle, l'ASRA conserve un grand avantage: fournir des revenus prévisibles aux producteurs.

«Et il faut être très loin du champ pour affirmer que les producteurs ne voient pas venir les signaux du marché», ajoute-t-elle.

M. Grenon propose de remplacer le système actuel par une aide de transition sur quelques années pour aider les producteurs à s'adapter à la crise. La Fédération affirme de son côté qu'elle analysera le programme en profondeur pour voir s'il faut lui apporter des changements.

De quoi alimenter les débats de la Commission sur l'avenir de l'agriculture qui se tient actuellement au Québec.