Les fondations de sa retraite étaient instables et ont eu besoin de réparation. Elle craint l'écroulement de tout l'édifice.

Les fondations de sa retraite étaient instables et ont eu besoin de réparation. Elle craint l'écroulement de tout l'édifice.

Caroline a 40 ans. Elle travaille depuis quatre ans pour un organisme gouvernemental, qui lui verse un salaire de 34 000 $ par année. Longtemps travailleuse autonome, elle n'a jamais eu les moyens de contribuer à un REER et ne possède que 5000 $ en économie.

Tous ses espoirs de retraite reposent sur un triplex de style victorien, situé à Montréal, qu'un agent immobilier a récemment évalué à 650 000 $.

Or, des travaux aux fondations ont récemment obligé Caroline à refinancer l'immeuble. «Cette nouvelle hypothèque est très lourde, 287 000 $ sur 30 ans, ce qui me fait des versements de 1570 $ par mois», explique-t-elle.

Elle a calculé que les revenus de location de 47 000 $ par année lui permettraient de hausser ces mensualités à 2000 $, pour ainsi réduire la période d'amortissement.

«Dois-je ne payer que le minimum et garder le surplus pour un REER ou rembourser plus rapidement mon hypothèque?», s'enquiert-elle.

Elle s'inquiète toutefois des prochains travaux de rénovation et d'entretien, pour lesquels elle ne dispose d'aucune marge de manoeuvre. «Si je place ce surplus dans des REER, je prends le risque de me retrouver à devoir refinancer encore mon hypothèque pour faire l'entretien normal de la maison.»

Elle jongle donc avec l'idée de vendre l'immeuble, dont la gestion lui pèse. Mais voilà: le fruit de la vente, une fois soustraits le solde hypothécaire et l'impôt sur la plus-value, suffirait-il à lui assurer une retraite suffisamment confortable? «Ma santé physique ne me permettra probablement pas de travailler jusqu'à 65 ans, craint-elle. J'aimerais pouvoir me retirer à 55 ans ou au pire ne travailler qu'à temps partiel de 55 à 60 ans.»

Elle tergiverse, hésite, doute...

Un édifice fragile...

Daniel Laverdière, et Sylvain Chartier, respectivement directeur principal et directeur de la planification fiscale chez Planification financière Banque Nationale, ont d'abord évalué la marge de manoeuvre budgétaire de Caroline.

Son coût de vie avoisine 30 000 $ par année, qu'elle ne peut soutenir qu'en puisant largement dans ses revenus de location.

Malheureusement, avec des dépenses d'entretien et de réparation estimées à près de 20 000 $ par année, elle ne peut espérer tirer de son immeuble les 14 000 $ de revenus nécessaires.

«Nous avons évalué que pour maintenir ce budget annuel, Nathalie ne devait pas avoir de dépenses de réparation supérieures à 8000 $ par année», font valoir les spécialistes. Puisque des travaux importants au toit, à la corniche et à la façade seront nécessaires sous peu, on peut déjà prédire pour bientôt un nouveau refinancement hypothécaire.

Cette situation budgétaire très serrée, voire déficitaire, rend caduque la première interrogation de Caroline: elle n'a les moyens ni d'augmenter ses versements hypothécaires ni de faire des contributions à un REER. «Une accélération du paiement hypothécaire entraînerait une diminution de son coût de vie de 30 000 $», observent les planificateurs.

Toute sa retraite ne repose donc que sur son immeuble. Deux options: le vendre immédiatement ou attendre à la retraite, que Caroline souhaite prendre dans 15 ans.

Commençons par la seconde. En considérant un accroissement de valeur de 2 % par année, la vente de l'immeuble, après paiement des impôts et du solde hypothécaire, procurerait un actif d'un peu plus de 600 000 $. Daniel Laverdière et Sylvain Chartier suppose qu'elle ferait, dans l'année de la vente de l'immeuble, une cotisation REER massive de 105 000 $, pour profiter de ses importants droits de cotisation inutilisés.

Cet actif, associé au régime de retraite de son employeur, lui permettrait de maintenir son rythme de vie actuel jusqu'à 90 ans, alors que sa probabilité de ne plus être en vie avoisinera 60 %. Parvenue à cette échéance, elle disposerait encore d'un important capital de plus de 400 000 $.

Vendre tôt ou plus tard?

Si Caroline vend son immeuble immédiatement, un prix de vente de 675 000 $ lui laisserait dans les poches une somme légèrement supérieure à 300 000 $. Une petite partie servirait à combler ses droits de cotisation REER inutilisés de 20 000 $.

Avec un rendement de 6 % dans un portefeuille équilibré, et en tenant compte des retraits annuels que Caroline doit faire pour compléter son salaire, ce capital atteindrait environ 550 000 $ à l'orée de sa retraite.

«À 55 ans, son actif serait d'environ 100 000 $ de moins que dans le scénario où elle conserve son immeuble», observent nos spécialistes. Cet actif suffirait néanmoins à maintenir son coût de vie jusqu'à 90 ans. Elle détiendrait alors un peu plus de 200 000 $ en épargne. Quoiqu'un peu plus difficilement, elle atteint ici encore ses objectifs de retraite.

Dernière précaution: qu'advient-il du scénario de la vente immédiate de l'immeuble si le rendement moyen ne dépasse pas 5 %? Cette fois, le capital est épuisé à 80 ans, «ce qui s'avère une date trop hâtive», avisent les planificateurs. «Caroline nous a cependant mentionné qu'elle pourrait travailler à temps partiel après 55 ans pour combler un manque à gagner.»

D'autres facteurs doivent être pris en compte. En conservant l'immeuble, Caroline pourrait reporter le gain en capital et peut-être réaliser un rendement supérieur à celui des titres à revenus fixes.

Par contre, en vendant immédiatement sa propriété, elle éliminerait le risque des dépenses imprévues reliées à la possession d'un immeuble. Dégagée des préoccupations de gestion, elle disposerait de plus de temps libre.

«En raison de la très forte concentration de son actif dans l'immobilier et de l'absence de marge de manoeuvre dans son budget personnel et immobilier, nous croyons que la vente devrait être fortement considérée», concluent messieurs Laverdière et Chartier.