«Voler, c'est criminel.» Le slogan, tapissé dans presque tous les magasins de la province, est connu de tout le monde.

«Voler, c'est criminel.» Le slogan, tapissé dans presque tous les magasins de la province, est connu de tout le monde.

Mais les voleurs qui se font pincer s'en tirent trop souvent sans aucune poursuite judiciaire, déplore le président du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), Gaston Lafleur.

«On se pose la question: si un vol à l'étalage constitue un acte criminel, sur la foi de quoi peut-on décider que ce n'est pas un acte punissable?», a lancé l'homme pendant un entretien téléphonique.

En vertu d'un programme lancé au milieu des années 90 par l'État québécois, les auteurs de petits crimes comme le vol à l'étalage peuvent s'en tirer sans aucune poursuite ni dossier criminel.

S'ils en sont à leur première infraction et répondent à certaines conditions, ils reçoivent une simple lettre d'avertissement. Histoire de désengorger les tribunaux.

2000 voleurs s'en sauvent

L'an dernier, quelque 2000 voleurs ont ainsi évité d'aller en Cour, a appris La Presse Affaires.

Une situation qui enrage les commerçants, Gaston Lafleur en tête. Et vient en quelque sorte saper les effets de leurs campagnes de dissuasion, dit-il.

Le CQCD fera pression auprès du gouvernement pour l'amener à modifier sa politique de «non-judiciarisation» au cours des prochains mois.

«Il y a des éléments qui sont peut-être valables dans ces processus-là, a indiqué M. Lafleur. Mais il faudrait en arriver à un système mitoyen, qui ferait en sorte que les gens seraient assujettis à une certaine forme de judiciarisation, sans aller jusqu'à l'emprisonnement. Ça dépend du message qu'on veut envoyer à notre société.»

Au-delà du «message», de très grosses sommes sont en jeu. En 2006, le vol à l'étalage a coûté 330 millions de dollars aux commerçants de la province, selon un sondage dévoilé hier par le CQCD.

Le total grimpe à 730 millions quand on inclut le vol fait par les employés. Des chiffres en légère hausse par rapport à 2005.

Les commerçants multiplient les moyens -agents de sécurité, caméras de surveillance, détecteurs magnétiques, miroirs, etc.- pour attraper les voleurs, et leurs tactiques fonctionnent souvent.

Mais pincer quelqu'un sur le fait n'est pas suffisant, déplore Marc Leclerc, directeur principal des opérations de détail de la chaîne de pharmacies Uniprix.

«Le détaillant est un peu laissé à l'abandon dans tout ça, par rapport au volet criminel, a dit M. Leclerc. Si tu pinces un voleur en magasin et que tu appelles la police pour dire que tu as attrapé un voleur à l'étalage, bonne chance. Tu vas le garder à coucher!»

Pertes importantes

En moyenne, le montant des articles volés a atteint 138,50$ pour l'ensemble du Québec en 2006, selon le sondage du CQCD.

Les pertes (qui incluent aussi certaines erreurs administratives) ont atteint 582,9 millions dans le secteur des biens courants, surtout de petits articles vendus dans les épiceries, pharmacies et dépanneurs.

Les voleurs ont aussi dérobé pour 251,1 millions de biens «durables et semi durables» (comme les appareils électroniques et les articles pour la maison) et pour 123,5 millions de vêtements et autres articles de mode l'an dernier.

En moyenne, les pertes ont représenté 1,79% des revenus des entreprises en 2006. Ce qui a fait basculer certains commerces dans le rouge, dit Gaston Lafleur, du CQCD.

«Dans plusieurs cas, ça peut représenter le profit net après impôt. C'est une perte qui fait mal.»

Le sondage du CQCD a été réalisé par les firmes Scantronic et Géocom Recherche entre juillet et septembre dernier. Les entreprises interrogées comptent 1930 magasins et quelque 87 000 employés au Québec.