Incongru, inapprorié et indécent.

Incongru, inapprorié et indécent.

C'est en ces termes que les grands consommateurs industriels d'électricité ont dénoncé lundi le décret adopté par le gouvernement de Jean Charest pour empêcher la Régie de l'énergie d'imposer une hausse de tarifs plus importante aux consommateurs résidentiels qu'aux entreprises.

La décision du gouvernement d'intervenir à la toute fin de l'audition de la demande d'Hydro-Québec pour influencer le processus «est une ingérence inacceptable» du gouvernement qui envoie un message extrêmement négatif aux entreprises, soutient Serge Bergeron, président de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité (AQCIE).

«C'est comme si on leur disait, vous pouvez jouer le jeu de la réglementation et argumenter tant que vous voulez, si la décision du tribunal ne fait pas notre affaire, nous allons la renverser», s'est-il indigné.

Pour améliorer le signal de prix de l'électricité, la Régie de l'énergie s'apprêtait à accepter que la prochaine hausse des tarifs d'électricité soit répartie en fonction des coûts subis par Hydro pour desservir chaque catégorie de clients.

La hausse moyenne de 2,9% réclamée par Hydro pour 2008 serait ainsi de 4,4% pour les consommateurs résidentiels, de 0,9% pour les petites entreprises et de 1,4% pour les grandes entreprises.

Un tollé

Dans un décret adopté le 19 décembre et rendu public seulement la semaine dernière, le gouvernement Charest ordonne plutôt à la Régie de répartir l'augmentation également entre les catégories de consommateurs.

Le tollé soulevé par l'éventualité d'une hausse de tarifs de 4,4% a probablement fait peur au gouvernement minoritaire, qui pourrait se retrouver devant les électeurs à tout moment.

La loi qui a créé la Régie de l'énergie a laissé au gouvernement le droit de donner des directives à la Régie, a rétorqué un porte-parole du ministère des Ressources naturelles, Claude Béchard, qui se défend de faire de l'ingérence dans le fonctionnement de la Régie.

Le gouvernement a utilisé ce droit à six reprises dans le passé, a plaidé Pascal d'Astous, porte-parole du ministre Béchard.

Une ingérence directe

Les interventions précédentes étaient d'ordre général et c'est la raison pour laquelle elles n'ont jamais n'ont jamais été contestées, a répliqué lundi le porte-parole de l'AQCIE, Luc Boulanger.

Le dernier décret est une ingérence directe dans les affaires du tribunal, selon lui, comme ça c'était passé en 2000 lorsque le gouvernement s'est mêlé de dire à la Régie ce qui devrait rester sous la responsabilité d'Hydro-Québec Production (qui n'a pas de compte à rendre à la Régie) et ce qui devrait rester sous la responsabilité d'Hydro-Québec Transport (entité réglementée).

La Cour supérieure avait déclaré cette intervention illégale, nulle et sans effet, a rappelé M. Boulanger.

Un geste qui surprend

Même ceux qui s'opposent à des hausses de tarifs plus fortes pour les petits consommateurs que pour les entreprises sont surpris du geste du gouvernement.

«Il aurait pu se manifester plus tôt», a commenté le porte-parole de l'Association coopérative d'économie familiale (ACEF) de Québec, Richard Dagenais, qui rappelle que ce principe est discuté devant la Régie depuis l'année dernière.

Phillipe Bourke, du Regroupement national des conseils régionaux en environnement, s'est dit surpris du geste gouvernemental.

«C'est toujours déplorable de voir que quand il y a un une cause le moindrement sensible, le gouvernement sent le besoin d'intervenir pour orienter les décisions de la Régie», a-t-il dit.

Une régie indépendante

La Régie de l'énergie a été créée justement pour éviter que les tarifs d'électricité soit fixés par les politiciens.

Une étude réalisée par le professeur Jean-Thomas Bernard, de l'Université Laval, a déjà conclu qu'avant la création de la Régie, les gouvernements manipulaient les prix de l'électricité à des fins partisanes. Typiquement, les hausses modérées avant des élections étaient suivies de hausses de rattrapage en cours de mandat.

De son côté, la Régie a demandé lundi aux intervenants dans la cause tarifaire d'Hydro-Québec de lui transmettre leur opinion concernant le décret gouvernemental.