Il ne faut pas s'étonner que le gouvernement Charest n'ait pas encore mis en application la pièce maîtresse de sa politique nationale de l'eau, l'imposition de redevances aux grands utilisateurs.

Il ne faut pas s'étonner que le gouvernement Charest n'ait pas encore mis en application la pièce maîtresse de sa politique nationale de l'eau, l'imposition de redevances aux grands utilisateurs.

Quand il est question de faire payer les utilisateurs industriels, tout le monde trouve une bonne raison pour y échapper. Qui va payer?

Les embouteilleurs d'eau, qui sont dans la ligne de mire du gouvernement, regimbent. «Pourquoi nous et pas les propriétaires de terrains de golf et les centres de ski?» demande Daniel Colpron président de l'entreprise qui embouteille l'eau Amaro.

Michel Couture, du Mont Saint-Bruno, rétorque que l'eau qui sert à faire de la neige est de l'eau bien utilisée, qui est retournée à la nature. «Elle est souvent plus propre qu'elle était parce qu'elle est oxygénée dans le processus», assure-t-il. Ce n'est pas comme les terrains de golf, qui utilisent toutes sortes d'engrais...

De plus en plus de terrains de golf réutilisent leur eau, affirme Claude Landry, du Club de golf Godefroy, à Bécancour, et les engrais utilisés ne sont pas dommageables pour l'environnement, assure-t-il. C'est loin d'être aussi polluant que les pâtes et papiers...

«L'eau nous coûte déjà quelque chose, réplique Pierre Vézina, du Conseil de l'industrie forestière du Québec. Il faut la filtrer à l'entrée et la traiter à la sortie, en abaisser la température. L'industrie est déjà incitée à réduire la quantité qu'elle utilise.»

Une nouvelle taxe sur l'eau nuira à la productivité de l'industrie, déjà très handicapée par la hausse du dollar et le coût élevé de la fibre, fait valoir le porte-parole de l'industrie.

L'argument de la rentabilité vaut pour toutes les industries. Si les terrains de golf devaient payer pour l'eau qu'ils utilisent, ça peut faire la différence entre des profits et des pertes, argue Michel Lafrenière, directeur de l'Association des directeurs généraux des clubs de golf du Québec.

«La marge de profit n'est pas grande, dit-il. On peut faire un peu d'argent mais il faut réinvestir sans arrêt».

Le secteur manufacturier est celui qui a fait le plus au cours des dernières années pour réduire ses émissions de polluants, souligne l'économiste Jean-Michel Laurin, de l'Association canadienne des manufacturiers et exportateurs. Pour l'eau, le secteur agricole ne pourrait-il pas être mis à contribution, s'interroge-t-il.

Trois ans après la sortie de sa Politique nationale de l'eau, le gouvernement Charest tergiverse toujours sur la question des redevances. Il s'est contenté jusqu'ici de faire payer à Hydro-Québec, Alcan et les autres producteurs d'hydroélectricité une redevance sur l'eau qu'ils utilisent pour produire de l'énergie renouvelable.

En Ontario, le gouvernement McGuinty a choisi une voie différente. Il a déposé une loi qui impose un tarif à tous les grands utilisateurs d'eau, à l'exception des producteurs d'hydroélectricité.

La nouvelle taxe ontarienne s'appliquera à partir du 1er janvier 2009 à certaines industries, dont les fabricants de boissons et les producteurs de béton. Coût: 3,71$ par million de litres d'eau. Les autres secteurs d'activités y seront graduellement assujettis.