Le développement économique de la Beauce et son histoire n'auraient sans doute pas connu un tel rayonnement sans l'apport du premier comptable agréé beauceron, Armand Poulin, de Saint-Georges, qui célèbre fièrement aujourd'hui, 24 juillet, ses 100 ans.

Le développement économique de la Beauce et son histoire n'auraient sans doute pas connu un tel rayonnement sans l'apport du premier comptable agréé beauceron, Armand Poulin, de Saint-Georges, qui célèbre fièrement aujourd'hui, 24 juillet, ses 100 ans.

Réservé, calme et serein, retraité depuis 25 ans, le premier Beauceron diplômé des HEC se remémore pour Le Soleil son passage sur la rue Craig, à Montréal, le petit restaurant du coin sur Saint-Hubert et la taverne où le verre de bière, à l'époque, ne coûtait que cinq sous.

Derrière ces images de la fin des années 20, il se souvient des visages. Des noms aussi de tous ses professeurs.

«Le directeur était un Belge, dit-il, Henry Laureys, un des fondateurs des hautes études commerciales. La profession était peu connue. Au Québec, nous étions 325. Pas une seule femme. Environ 25 francophones pour 300 anglophones.»

«J'ignore pourquoi j'ai choisi cette profession. Jusqu'alors je n'avais jamais été à Montréal. Et plus j'étudiais, plus les chiffres me plaisaient.»

Fellow en poche, diplômé des HEC en 1931 et détenteur de son C.A. en 1932, il travaille dans les bureaux de McDonald Currie avant de regagner sa Beauce natale.

Depuis le célèbre krach du 29 octobre 1929, faut-il rappeler, la crise économique perdure. Le travail manque. Partout. L'ère industrielle balbutie. Les pionniers de l'entrepreneurship beauceron s'activent. Voilà pour le contexte et pour l'époque.

Un défi de taille

Les défis à relever s'imposent au jeune comptable, consciencieux et rigoureux, avant même que ne soit née, à tort ou à raison, la légende du «miracle beauceron».

«M. Poulin a été l'administrateur de mon grand-père, Édouard Lacroix, pendant plusieurs années», affirme Anne Dutil, membre de la célèbre famille. M. Lacroix avait alors ses bureaux en Beauce, à Montréal, Carleton, Causapscal, Saint-Jean, New York, Boston, Keegan, Bangor, Coburn et Saint-George au Nouveau-Brunswick.

«C'est vrai, avoue candidement le nouveau centenaire. Je m'occupais de ses affaires. Être comptable en ce temps-là, ce n'était pas comme aujourd'hui. Nous devions voir à tout, être de vrais généralistes.»

Modeste et effacé, le jubilaire admet humblement, du bout des lèvres, faire partie à sa manière, avec l'art d'apprivoiser et de maîtriser les chiffres, de ces pionniers de l'économie beauceronne.

«Je suis un passionné. J'ai donné mon 150 %. J'ai fait de bons et de moins bons coups», continue celui qui a accompli son devoir avec conviction, sans calculer ses heures, soirs et fins de semaine y compris.

«Un de mes clients ayant une entreprise du côté américain, payait des impôts à Québec et à Ottawa, raconte M. Poulin. À leur tour, les USA lui ont réclamé une rondelette somme. Il a payé. Laissez-moi faire, que je lui ai dit. Question de principe et de justice, j'ai correspondu et «achalé» Washington pendant un an pour qu'il recouvre son argent. Et puis, le chèque est arrivé. Intégral. Mon client, qui avait souhaité que j'abandonne et cesse de m'entêter souriait, ce jour-là, avec deux fois plus de dents qu'habituellement. Persévérer a du bon!»

Reconnu pour son intégrité, sa loyauté et sa discrétion, le comptable Poulin a conseillé de nombreuses personnes du monde des affaires à travers cette Beauce tant affectionnée.

«Ne touchez pas à la Beauce. Ne parlez jamais en mal d'elle, dit-il, sinon je vous attends. Les Beaucerons, c'est mieux que de l'or.»

D'hier à aujourd'hui

Parmi ces entrepreneurs et ces fleurons reconnus et bien installés, il y a eu Pomerleau.

«Hervé a frappé à ma porte un dimanche pour parler affaires, se souvient M. Poulin. Au début, en 1964, le bureau de Pomerleau se trouvait au sous-sol de la résidence familiale, à Saint-Georges. Je m'y rendais pour apprendre la tenue de livres à sa femme, Laurette. Une table, deux chaises et, entre nous, un berceau dans lequel dormait un nourrisson âgé de quelques mois. Nous parlions de chiffres et nous poussions, chacun son tour avec notre pied, le ber de Pierre, ce bébé devenu aujourd'hui président-directeur général de Pomerleau inc.»

Si vite passé

«Ah, soupire-t-il, si c'était à refaire, je ne prendrais pas ma retraite à 75 ans. C'est la peste. C'était trop tôt, mais l'unique moyen d'avoir des vacances.»

Armand Poulin a épousé et chéri jusqu'à sa dernière heure Gabrielle Lavoie, affectueusement appelée «maman». Ils ont eu sept enfants: Pierre, Céline, Michel, Bernard, Lucie, Paul et Claire, 12 petits-enfants et sept arrière-petits-enfants. Avec ses souvenirs d'antan, ses prouesses au tennis, son engouement pour le golf, l'arrière-grand-père pourrait meubler tout leur temps.

Aujourd'hui, l'homme centenaire amorce un autre périple de sa vie.

«C'est le premier jour de mon 200e, dit-il. Et croyez-moi, ça, c'est de l'ouvrage en perspective», clame-t-il avec enthousiasme, confortablement installé dans son fauteuil de la résidence du Jasmin.

Bon anniversaire M. Poulin! Et de l'énergie pour souffler vos 100 bougies et des rires pour toutes celles à venir!