La GRC ne fera pas d'enquête criminelle sur Mount Real, malgré les allégations de tromperie qui circulent dans ce dossier.

La GRC ne fera pas d'enquête criminelle sur Mount Real, malgré les allégations de tromperie qui circulent dans ce dossier.

La police fédérale juge même qu'une telle enquête serait un gaspillage de fonds publics vu les difficultés probables de prouver l'intention criminelle.

" Les gens du bureau des faillites et de la GRC ont regardé la preuve et constaté que, compte tenu de la façon dont est structurée l'organisation Mount Real, il n'y aura pas moyen de prouver l'intention criminelle. On ne mettra pas nos enquêteurs sur des dossiers perdus d'avance, on va gaspiller votre argent ", a dit le porte-parole de la GRC, Luc Bessette.

Après la mise en faillite de Mount Real, en mars 2006, le syndic a demandé au Bureau du surintendant des faillites et à la GRC de mener une enquête criminelle. C'est cette plainte qui a été rejetée et la police fédérale a fermé le dossier, ces derniers jours.

Au total, 1600 investisseurs ont perdu une somme estimée à 130 millions de dollars dans cette affaire.

Il y a deux semaines, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a déposé 619 chefs d'accusation contre 24 conseillers en placement pour avoir vendu illégalement des fonds du groupe Mount Real. Selon l'AMF, les conseillers ont vendu des fonds sans permis, aidé à vendre des fonds sans prospectus ou fourni des informations fausses ou trompeuses aux investisseurs, dans certains cas.

Hier, la GRC a confirmé avoir fermé le dossier après avoir été confronté par La Presse sur la teneur d'une lettre du Bureau du surintendant des faillites dont nous avons obtenu copie. La lettre laissait entendre que la GRC demandait aux investisseurs de faire eux-mêmes leur enquête.

" Se baser uniquement sur des présomptions est insuffisant. La GRC suggère fortement qu'un travail additionnel soit accompli afin d'avoir une preuve qu'un crime a été commis ", écrivait le gestionnaire Réal Poirier, au syndic de faillite.

Les investisseurs estomaqués

Les cinq représentants des investisseurs, nommés inspecteurs à la faillite de Mount Real, sont estomaqués par l'inaction de la GRC. Essentiellement, ils jugent que ce n'est pas à eux de fournir les preuves qu'un crime a été commis, écrivent-ils dans une réplique transmise à La Presse. " Nous pensons que c'est leur travail parce que le syndic n'a pas de pouvoir aux États-Unis et aux Bahamas pour suivre la trace de l'argent. "

En 2005, l'AMF avait reconstitué l'organigramme de l'organisation, une constellation de 120 entreprises. Dans ce document, l'AMF disait croire que " les activités commerciales de Mount Real sont inexistantes, fausses et/ou grossièrement exagérées (...) et n'avaient pour but que de justifier les transactions entre les sociétés qui sont liées ".

Toujours selon l'AMF, Mount Real aurait notamment réalisé 11 transactions douteuses entre 2002 et 2004, impliquant des dizaines de millions de dollars. Ces transactions avaient pour objet de nettoyer le bilan de l'entreprise en Bourse, selon l'AMF, et d' " améliorer l'image de sa situation financière ".

À la GRC, le porte-parole Luc Bessette estime que la lettre du Bureau du surintendant des faillites ne traduit pas la pensée de la GRC. " Si on a zéro chance de prouver l'intention criminelle et qu'on met 15-20 enquêteurs sur le dossier, on va gaspiller votre argent. On ne mettra pas nos enquêteurs spécialisés sur des dossiers perdus à l'avance ", dit-il.

Au Bureau des faillites, le surintendant associé, Alain Lafontaine, renvoie la balle au syndic Raymond Chabot. " Il faut qu'il y ait plus qu'un soupçon avant de faire une enquête immense sur plusieurs années. Ce que le syndic a fait comme travail, ce n'est pas suffisant ", dit-il.

De son côté, le syndic Jean Robillard réplique que son rôle est de récupérer des fonds pour les investisseurs, pas de faire une enquête criminelle. " Ce n'est pas le rôle du syndic ou des victimes de prouver hors de tout doute qu'il y a un crime ", dit-il.

Reste à voir ce que qui adviendra de l'enquête de l'AMF, qui dure depuis deux ans.