Vous avez laissé les enveloppes non décachetées s'accumuler sur votre bureau? Ne jouez plus à l'autruche: ouvrez vos relevés de compte!

La tempête boursière de 2008, la pire depuis les années 30, a fait perdre pied aux détenteurs de fonds communs de placement. Les plus stoïques ont assisté, impuissants, au naufrage de leur portefeuille. Les autres se sont jetés par-dessus bord: au Canada, les investisseurs ont retiré près de 10 milliards de dollars des fonds communs, depuis octobre. Du jamais vu. En ce début d'année 2009, voici une série de résolutions pour reprendre votre portefeuille de fonds par les cornes.

Je ne jouerai pas à l'autruche

Vous avez laissé les enveloppes non décachetées s'accumuler sur votre bureau? Ne jouez plus à l'autruche: ouvrez vos relevés de compte!

Même si un conseiller financier vous épaule, prenez le temps de décortiquer la performance de votre portefeuille de fonds. "Sans devenir un expert, allez vérifier sur l'internet", suggère Lena Mouchahoir, conseillère chez Raymond Chabot Gestion privée. Plusieurs sites web (ex: www.morningstar.ca, www.lesaffaires.com) fournissent de l'information gratuite en français qui permet d'évaluer vos fonds.

Comparez les rendements de vos fonds aux rendements moyens des fonds de leur catégorie. Une année de vaches maigres, ça peut se justifier (ex: un gestionnaire au style prudent ne brillera pas dans un marché euphorique). Mais si le fonds est systématiquement parmi les cancres, c'est autre chose.

Tenez compte du niveau de risque (le bêta qui mesure la volatilité est-il supérieur à la moyenne de sa catégorie?) et de la diversification du fonds (le fonds est-il concentré dans un ou deux secteurs seulement?).

Je ne me sauverai pas en courant

Par contre, ne vous lancez pas dans un chambardement complet de votre portefeuille. "Les investisseurs n'ont pas à modifier leurs fonds tous les six mois, comme des actions. Ce n'est pas l'objectif", prévient André Buteau, planificateur financier à la Financière Liberté 55.

Et surtout, ne liquidez pas tout d'un coup sec, à la vue des rendements désastreux de l'an dernier. Un: vous cristalliserez vos pertes et ne profiterez jamais du rebond. Deux: vous paierez une fortune en frais de sortie.

Ces frais diminuent au fil des ans, mais ils peuvent s'élever à 5 ou 6% si vous vous débarrassez de votre fonds dès les premières années, indique Mme Mouchahoir. Toutefois, il est possible de contourner ces frais en transférant ses actifs vers un autre fonds de la même famille. Autre truc: les investisseurs peuvent retirer 10% de leur fonds chaque année, sans encourir de frais de sortie. Idéal pour procéder à un rééquilibrage.

J'investirai dans des fonds qui me collent à la peau

Avant d'ajuster votre portefeuille, faites une petite introspection. «Durant cette période difficile, les gens ont changé psychologiquement de profil d'investisseur», rapporte M. Buteau.

Ceux qui croyaient avoir une tolérance au risque à toute épreuve penchent maintenant pour un portefeuille équilibré. Et les investisseurs modérés sont devenus très prudents. Ils doivent revoir leur profil, afin d'investir dans des fonds qui leur collent vraiment à la peau.

«Mais le risque, c'est de passer en mode réactif, de devenir plus prudents qu'ils ne devraient l'être. Sinon, ils vont se réveiller dans quelques années et ils seront déçus de ne pas avoir profité de la remontée», prédit le planificateur.

J'aurai un menu varié, mais pas une macédoine

Un menu varié, c'est la base d'un portefeuille en santé. On ne mettra jamais assez l'accent sur une bonne répartition d'actifs. Toutefois, il ne faut pas tomber dans la diversification à outrance.

Hélène Bronsard, vice-présidente chez Raymond Chabot Gestion privée, voit régulièrement des relevés de compte avec une quinzaine de fonds, dont une demi-douzaine de fonds d'actions canadiennes à peu près semblables. «Le portefeuille est tellement dilué qu'il fait du surplace», constate-t-elle.

Je ne succomberai pas au fonds-vedette de l'an dernier

Méfiez-vous des fonds-vedettes de l'année précédente, souvent des fonds spécialisés dans un secteur ou une région.

«"Il y a toujours des gens qui se promènent d'un fonds hot à l'autre. Tout ce qu'ils font c'est regarder dans le rétroviseur», raconte M. Buteau. Ce faisant, ils voguent d'une bulle à l'autre, en subissant le ressac à tout coup.

Souvenez-vous des fonds de sciences et de technologie: Ils étaient en tête du palmarès en 1999 avec un bond de 115%. Séduisant! Mais, ils ont ensuite enfilé trois années d'enfer (-25%, -35% et -40%).

Même retour de balancier avec les fonds qui investissent en Chine. Ils ont glissé de la position de tête en 2006 et 2007 (+62%, +32% respectivement) jusqu'à la queue du peloton l'an dernier.

Alors de quoi se méfier cette année? En 2008, il y a eu peu de catégories-vedettes, sauf peut-être les fonds d'obligations mondiales. Ils ont profité de la course aux abris des épargnants et de l'appréciation des devises étrangères face au huard.

Bien sûr, les obligations demeurent essentielles à une saine diversification. Mais plusieurs experts considèrent que l'aversion au risque des investisseurs a gonflé une bulle du côté des obligations, particulièrement des bons du Trésor américain.

Si la Bourse repart, «votre portefeuille pourrait mordre la poussière si vous vous cramponnez à un fonds obligataire», estime Philip Lee, analyste chez Canada. Comme un grand nombre de fonds d'obligations mondiales ont avancé de plus de 10%, ce n'est pas une mauvaise idée d'encaisser une partie des gains, selon lui.

Je ne jouerai pas au devin

Privilégiez l'épargne systématique, plutôt que d'essayer de jouer au devin pour rembarquer à la Bourse juste au bon moment. En investissant une petite somme chaque semaine, «on profite autant des mouvements à la hausse que des mouvements à la baisse», dit M. Buteau.

Si vous avez une importante contribution à faire d'ici la fin de la saison des REER, mais que vous hésitez à réinvestir tout cet argent d'un coup sec, voici une autre solution: choisissez un fonds qui contient beaucoup d'encaisse, suggère Mme Mouchahoir.

«Un fonds qui a juste 2% en liquidité, je trouve ça dangereux», confie-t-elle. Si le marché connaît un nouveau ressac, les détenteurs se presseront vers la sortie. Le gestionnaire risque d'être forcé de liquider des titres pour rembourser les détenteurs.

À l'inverse, un gestionnaire qui conserve au moins 10% de ses actifs en liquidités pourra saisir les occasions et racheter des titres à rabais. Il sera mieux placé que vous pour embarquer dans le marché au bon moment.

«Un fonds à l'encaisse abondante que nous aimons beaucoup est le Fonds Découverte Mutual dont près de la moitié de l'actifs est constituée d'encaisse», souligne M. Lee. Le fonds achète seulement des titres à 35% de rabais par rapport à leur valeur intrinsèque, puis il attend que des catalyseurs fassent grimper leur cours.

Je ciblerai des fonds moins gourmands

Les fonds distribués au Canada sont parmi les plus coûteux au monde. Ici, les frais de gestion annuels atteignent 1,84% en moyenne, par rapport à seulement 0,87% aux États-Unis. Mais souvent, les investisseurs ne le réalisent pas, puisque ces frais sont prélevés avant la présentation des rendements.

Mais en choisissant des fonds moins gourmands, vous augmenterez votre potentiel de rendement. Ce ne sont pas les possibilités qui manquent...

Un, faites des cotisations optionnelles au régime de retraite offert par l'entremise de votre employeur, beaucoup moins coûteux en frais de gestion à cause du volume.

Deux, ciblez des familles de fonds moins gourmandes, notamment celles qui sont parrainées par un ordre professionnel (Férique, MD, Fonds des professionnels, FMOQ).

Trois, regroupez vos actifs dans des fonds qui exigent une somme minimale plus élevée, mais qui prélèvent des frais moindres.

Quatre, achetez vos fonds sur l'internet ou au téléphone auprès d'un courtier direct (si vous êtes assez autonome pour vous passer de conseiller). Plusieurs (ex: BMO Ligne d'actions, RBC Placement en direct) offrent certains fonds de leur propre famille avec des frais annuels réduits (série D).

Cinq, achetez des fonds négociés en Bourse (FNB) qui offrent la même diversification qu'un indice boursier, mais sans l'intervention d'un gestionnaire, le tout à une fraction du prix.

Notez que la famille iShares, chef de file des FBN dans le marché canadien, a lancé en novembre quatre portefeuilles clés en main, baptisés les Portfolio Builder, qui répartissent l'actif des épargnants à travers une brochette de FBN. Les frais de gestion sont de 0,6% à 0,7%.

Je ne payerai pas le fisc à l'avance

Jetez un coup d'oeil au taux de roulement à l'intérieur du fonds, conseille Mme Mouchahoir.

Si le gestionnaire vend et rachète des titres à qui mieux mieux, il déclenche à chaque fois un gain en capital. À la fin de l'année, le fonds verse aux détenteurs ces gains, sous forme de distributions imposables. L'investisseur doit alors payer de l'impôt, à moins que le fonds soit dans un compte enregistré l'abri du fisc (REER, FERR, CELI, etc.)

«Certaines années, ils ont de l'impôt à payer même si le rendement du fonds est négatif. C'est le drame!» lance Mme Bronsard. Lorsque l'investisseur vend son fonds, il récupère toutefois l'impôt qu'il a payé, sans avoir goûté à la performance équivalente. Malgré tout, ce n'est jamais bien drôle de payer de l'impôt à l'avance.

«C'est beau d'avoir un rendement supérieur, mais pas si on finit par tout payer en impôt à la fin de l'année», lance Mme Bronsard.

Ainsi, il vaut mieux sélectionner des fonds qui conservent leurs titres à long terme et qui sont donc plus efficaces sur le plan fiscal. Encore là, les sites web fournissent une tonne d'infos sur l'efficacité fiscale de chaque fonds. Allez-y!

L'ANNÉE 2008, UN DÉSASTRE POUR LES FONDS COMMUNS

Rares sont les détenteurs de fonds communs qui ont évité la débâcle de l'an dernier. À part les fonds d'obligations et de marchés monétaires, toutes les grandes catégories de fonds accusent des reculs prononcés. La plupart des fonds d'actions ont baissé de 30 à 50%. Et même les portefeuilles équilibrés ont flanché de près de 20%.

Le rendement des grandes catégories de fonds

Indices de fonds // 1an (%)

Revenu fixe mondial // 15,6

Revenu fixe canadien 2,2

Marché monétaire canadien 0,8

Actions des soins de la santé -8,4

Équilibrés canadiens neutres -17,6

Équilibrés mondiaux neutres -19,1

Actions japonaises -20,0

Revenu fixe à rendement élevé -21,5

Fiducies de revenu canadiennes -26,9

Actions américaines -29,3

Fiducies de revenu canadiennes -29,6

Actions mondiales -29,8

Actions de la Grande Chine -31,9

Actions de science&technologie -33,4

Actions canadiennes -35,2

Actions européennes -35,9

Actions des services financiers -40,3

Actions de PME canadiennes -41,6

Actions des marchés émergents -45,9

Actions des ressources naturelles -48,5

Le rendement des plus grands fonds de l'industrie

Investors Dividendes A -22,36

TD Obligations canadiennes - I 2,56

RBC équilibré -20,29

RBC canadien de dividendes -27,01

iShares CDN Large Cap 60 Index -31,11

CI Harbour revenu et croissance -19,72

RBC revenu mensuel -11,27

CIBC revenu mensuel -15,16

Mackenzie Cundill valeur C -25,29

BMO revenu mensuel -13,94

CI Harbour -24,47

RBC portefeuille Sélect équilibré -18,37

Investors Biens immobiliers A 3,85

CI placements canadiens -27,44

RBC obligations -0,05

BMO dividendes -26,32

RBC portefeuille Sélect prudence -11,92

Investors Portefeuille revenu plus A -5,68

RBC actions canadiennes -33,84

TD Revenu mensuel - I -23,4

NB: Données en date du 31 décembre 2008

Source: Morningstar Canada