Si le spectre de la déflation hante les États-Unis, c'est plutôt de l'inflation qu'il faudra bientôt s'inquiéter au Canada, si la tendance se maintient.

De septembre à octobre, l'Indice des prix à la consommation (IPC) a bondi de 0,7% sur une base désaisonnalisée, soit quatre dixièmes de plus que d'août à septembre. Il s'agit de fait du bond mensuel le plus élevé depuis janvier 2006. Des hausses de prix ont été observées dans les huit sous-catégories, l'habillement, le transport et le logement s'arrogeant les bonds les plus grands. Le taux annuel d'inflation est quant à lui passé de 1,9% à 2,4%, le plus élevé en deux ans, indiquait hier Statistique Canada. Il a augmenté dans toutes les provinces, culminant à 3,4% en Ontario. Au Québec, il se situe à 1,4%.

L'Indice de référence (IPCX) de la Banque du Canada a pour sa part gagné 0,3% sur une base désaisonnalisée et son rythme annuel est passé de 1,5% à 1,8%, à la grande surprise de la plupart des experts qui n'attendaient aucune variation.

Si la tendance à la hausse devait perdurer, alors la Banque du Canada serait peut-être poussée à reprendre la normalisation de son taux directeur, interrompue le mois dernier. La cible d'inflation à moyen terme des autorités monétaires est de 2%.

Le rythme de 1,8% de l'IPCX est un peu plus élevé que son scénario de 1,6% pour l'ensemble du quatrième trimestre, une cible encore possible, étant donné qu'il manque deux mois à l'équation.

«La variation annuelle de l'indice de référence demeure à l'intérieur de la fourchette relativement restreinte (1,5% et 2,1%) observée depuis le début de 2009, observe Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. Nos projections indiquent qu'il restera vraisemblablement dans cette zone au cours des prochains mois.»

L'IPCX vise à mesurer l'inflation tendancielle. Voilà pourquoi il exclut huit composantes jugées les plus volatiles par la Banque du Canada, ainsi que l'effet des modifications des impôts indirects, comme l'introduction d'une taxe de vente harmonisée en Ontario et en Colombie-Britannique, le 1er juillet. Parmi les éléments jugés les plus volatils, mentionnons les fruits et légumes frais ou transformés, mais pas la viande ni les céréales, les combustibles, mais pas l'électricité, et le transport interurbain.

Cela dit, la marche des prix suscite l'étonnement dans un contexte où la croissance ralentit depuis le printemps. Des capacités de production restent inutilisées, ce qui devrait, en principe, contenir les pressions inflationnistes. «Il devient de plus en plus clair que le lien entre l'écart de production et l'inflation de base a nettement fléchi», déduisent Yanick Desnoyers et Matthieu Arseneau, économistes à la Banque Nationale.

Ils estiment que la Banque du Canada sera obligée d'en tenir compte davantage, malgré les incertitudes internationales qui pèsent sur la reprise économique.

En outre, les commerçants ne semblent pas refiler au consommateur les économies que leur procure un huard qui flirte avec la parité. Les prix des biens étaient en hausse annuelle de 2,5%, en octobre.

«L'inflation canadienne est demeurée vigoureuse dernièrement puisque les ménages ont dépensé davantage entre autres, croit Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Dans un tel contexte, majorer les prix était plus facile, contribuant au récent rebond de l'inflation.»

Cette situation contraste singulièrement avec celle qui a cours aux États-Unis. Au sud, l'indice de référence, qui exclut en bloc les aliments et l'énergie, ne progresse plus que de 0,6% en rythme annuel. En janvier, c'était plutôt 1,8%.

Pareille mesure au Canada montre plutôt un rythme de 1,7%, en progression par rapport à septembre.

Si la marche des prix américains devait continuer de décélérer au même rythme que depuis janvier, «alors le taux d'inflation de base deviendra le taux de déflation de base dès le printemps, prédit David Rosenberg, économiste en chef et stratège chez Gluskin Sheff. D'où la quête de (Ben) Bernanke pour une deuxième phase de détente quantitative.»