Au lendemain d'une tentative de blocage de son OPA hostile contre KPN par une fondation qui souhaite «protéger la société néerlandaise», le groupe mexicain America Movil (AMOV) a répliqué en menaçant de renoncer à son offre d'achat.

À la surprise des analystes, une fondation officiellement indépendante, mais liée à KPN avait annoncé jeudi soir avoir exercé son droit d'option et acheté des actions préférentielles lui allouant près de 50% des votes.

Très présentes dans la vie des sociétés aux Pays-Bas, les fondations servent à défendre les intérêts d'une société et disposent généralement, comme c'est la cas ici, de droits d'option sur l'émission d'actions préférentielles.

La fondation dont il est question ici a été fondée en 1994 dans le cadre de la privatisation de l'opérateur néerlandais.

Elle a activé cette «pilule empoisonnée» dans le but de «protéger les intérêts de KPN et de ses parties prenantes, dont ses actionnaires, ses employés, ses clients, ses syndicats et la société néerlandaise en général», avait indiqué la fondation «KPN actions préférentielles B», en invitant America Movil à ouvrir des négociations avec l'opérateur et l'État néerlandais.

Lors d'une conférence de presse vendredi matin à Amsterdam, la fondation a ajouté avoir agi ainsi dans le but de «faire respecter les droits des actionnaires minoritaires» et a souligné ne disposer de ces actions que «temporairement».

À un journaliste qui lui demandait si la fondation agissait de la sorte pour empêcher qu'un Mexicain ne prenne le contrôle d'une ancienne société publique néerlandaise, le président de la fondation Jacques Schraven a assuré ne pas avoir agi pour des raisons idéologiques.

Si KPN a répondu sobrement dans la foulée, annonçant avoir «pris note» de cette décision, America Movil a réagi de manière virulente vendredi matin, menaçant de renoncer à son offre.

«Si la fondation maintient sa position actuelle et cherche à bloquer l'offre au détriment des clients, employés, actionnaires de KPN, ainsi qu'au détriment des services de télécommunications aux Pays-Bas, qui bénéficieraient tous de l'achat de KPN, America Movil est prêt à retirer son offre», a-t-il indiqué dans un communiqué.

Soit augmenter, soit renoncer

Selon les analystes, la fondation ne peut toutefois véritablement bloquer America Movil si ce dernier décide de continuer les procédures pour l'acquisition de l'opérateur néerlandais, né en 1998 de la scission de l'entreprise des postes et télécoms aux Pays-Bas.

«Il peut décider d'augmenter son offre et même aller en justice pour contrer cette décision, mais il y a un très grand risque qu'il abandonne son offre, c'est pourquoi les actions sont en baisse», a affirmé à l'AFP Nico van Geest, analyste de la société de gestion d'actifs Keijser Capital.

Côté à la Bourse d'Amsterdam, l'action de KPN était en baisse de 6,47% à 2,14 euros (2,83 dollars), dans un indice AEX en baisse de 0,83% à 364,07 points, vers 14H30 (12H30 GMT).

«Je pense que la fondation est de l'avis du directeur de KPN, Eelco Blok, pour dire que le prix offert par America Movil n'est pas suffisant», a ajouté l'analyste.

Contrôlé par le milliardaire mexicain Carlos Slim, America Movil était devenu le principal actionnaire de KPN depuis une OPA hostile partielle réussie à l'été 2012 lui ayant donné près de 30% des parts.

Début août, le groupe avait annoncé vouloir acquérir l'ensemble de KPN, à 2,40 euros (3,17 dollars) par action, une offre qui valorise le groupe à 10,2 milliards d'euros et qui devrait débuter en septembre.

Selon Marc Hesselink, analyste chez ABN Amro cité par l'agence ANP, «soit America Movil augmente son offre, soit il renonce».

Quant aux analystes d'ING, cités par l'agence Dow Jones Newswires, ils estiment que la fondation essaie non seulement de gagner du temps, mais aussi de «parier sur un meilleur prix pour KPN».

Mais pour prendre le contrôle de KPN, America Movil doit désormais acquérir 100% des actions ordinaires: «selon nous, il est très improbable qu'America Movil réussisse à acquérir 100% des actions ordinaires», a déclaré un analyste de la Société générale, également cité par Dow Jones.

KPN «ne peut pas survivre seul» sur le long terme, a soutenu Nico van Geest, soulignant toutefois qui si America Movil ne parvenait pas à racheter KPN, il pourrait se tourner ailleurs pour satisfaire ses ambitions européennes. America Movil possède notamment quelque 25% des parts de Telekom Austria.

En 2012, le chiffre d'affaires de la société néerlandaise s'était établi à 12,71 milliards d'euros (16,810 milliards de dollars) tandis que celui de la société mexicaine avait atteint près de 45 milliards d'euros (59,518 milliards de dollars).