La question est posée : est-on prêts à payer pour empêcher le régime russe d’envahir l’Ukraine et peut-être ensuite d’autres pays européens ? Autrement dit, combien ça va coûter de se porter à la défense de la démocratie ?

La réponse, on la connaît déjà. Ça coûtera très cher. Le problème, c’est que ce coût n’est pas le même pour tous les combattants.

Si on veut éviter une troisième guerre mondiale, les sanctions économiques sont la seule arme qui reste aux pays occidentaux pour s’opposer à Vladimir Poutine. Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, les sanctions pleuvent contre le régime, ses dirigeants et leurs amis oligarques. Jamais probablement un pays n’aura été frappé d’autant de sanctions par autant de pays.

Lentement mais sûrement, les sanctions minent l’économie russe. Mais en attendant, l’Ukraine continue d’être bombardée. Les sanctions sont comme une bombe à retardement, mais la Russie s’était bien préparée à la guerre, notamment en gonflant ses réserves de devises étrangères.

Jour après jour, l’argent continue de rentrer dans les coffres russes sous forme de revenus pétroliers et gaziers. L’Europe verse 700 millions d’euros (975 millions $ CAN) quotidiennement, et davantage chaque jour parce que les prix augmentent, pour acheter de l’énergie à la Russie. On finance ainsi indirectement la destruction de l’Ukraine.

D’où la pression qui monte pour que les pays occidentaux cessent d’acheter du pétrole russe. Le Canada l’a déjà fait, les États-Unis aussi. Pour ces deux pays, la décision de boycotter le pétrole russe n’a pas d’incidence majeure. C’est le contraire en Europe, où la décision de fermer le robinet du gaz russe est lourde de conséquences. La plus importante économie du continent, l’Allemagne, tourne avec du gaz et du pétrole russes. Certains pays en dépendent à 100 %.

Le prix à payer pour se priver du gaz russe est énorme pour la plupart des pays européens. Trop pour être envisagé jusqu’à maintenant. Mais on est peut-être rendus là. Raphaël Glucksmann, député au Parlement européen, a présenté la situation en ces termes sur les ondes de la radio de Radio-Canada la semaine dernière : si on a été capables de mettre l’économie mondiale à terre pour combattre la COVID-19, on est capables de vivre avec la conséquence d’une hausse extraordinaire du prix de l’énergie pour empêcher Poutine d’envahir l’Ukraine d’abord, et d’autres pays limitrophes ensuite.

Ce sera douloureux, mais c’est le prix de la liberté et de la paix sur le continent, soutient ce député.

Plan d’indépendance

Les pays membres de l’Union européenne savent depuis un certain temps qu’ils doivent se libérer de l’emprise des Russes. Ils ont débattu la semaine dernière d’un plan qui réduirait des deux tiers les importations de gaz russe dès cette année. Ce plan prévoit l’augmentation obligatoire des réserves dans tous les pays en prévision de l’hiver prochain, une hausse de la production de biogaz et de biocarburant ainsi que de l’aide financière pour les consommateurs.

Le plan prévoit surtout une diversification des approvisionnements auprès de pays autres que la Russie. La Norvège, l’Algérie, les États-Unis et le Qatar sont sollicités, parce que ces pays ont déjà des infrastructures capables de livrer du gaz naturel liquide. Les réserves pétrolières et gazières du Canada ne sont d’aucune utilité à court terme, à cause de l’absence de pipelines et de terminaux de transport.

Si ce plan fonctionne, ce qui n’est pas acquis, l’Europe ne serait pas complètement libérée de l’emprise russe. Les économistes de la banque UBS, cités dans les médias européens, estiment qu’il faudra de quatre à cinq ans pour remplacer la totalité du gaz russe. Ça coûtera encore plus cher si les pays décidaient de fermer tout de suite le robinet du gaz russe. Des scénarios de rationnement, comme lors de la crise pétrolière de 1973, de pénurie et de récession se profilent déjà à l’horizon européen.

Le coût de l’indépendance énergétique sera énorme pour les consommateurs, les entreprises et les économies européennes. À court terme, ça pourrait aussi être coûteux pour l’environnement, dans la mesure où les pays européens mis au pied du mur remettront la fermeture de leurs centrales au charbon et pourraient retarder leurs objectifs de lutte contre les changements climatiques.

Mais à moyen terme, l’Europe souhaite accélérer son virage vert, déjà bien amorcé. Les pays qui cherchent désespérément du pétrole et du gaz aujourd’hui trouveront peut-être des solutions pour pouvoir s’en passer complètement demain.

En savoir plus
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    Nombre de sanctions économiques en vigueur contre la Russie, dont 3577 ont été imposées depuis le 22 février 2022.
    Source : Castellum.AI