Lorsque la Russie a envahi l’Ukraine au printemps, les experts en énergie prévoyaient que le prix du pétrole pourrait atteindre 200 $ US le baril, un prix qui ferait monter les coûts des expéditions et des transports dans la stratosphère et mettrait l’économie mondiale à genoux.

Aujourd’hui, le prix du pétrole est plus bas qu’au début de la guerre, ayant chuté de plus de 30 % en à peine deux mois. Lundi, les nouvelles d’un ralentissement de l’économie chinoise et d’une baisse des taux d’intérêt chinois ont encore fait chuter le prix, à moins de 90 $ US le baril.

Les prix de l’essence ont baissé chaque jour au cours des neuf dernières semaines, pour atteindre une moyenne de moins de 4 $ US le gallon (1,35 $ CAN le litre) à l’échelle des États-Unis, et les prix du kérosène et du diesel diminuent également. Cela devrait se traduire à terme par une baisse des prix de produits aussi divers que les denrées alimentaires et les billets d’avion.

Mais il serait prématuré de se réjouir. Les prix de l’énergie peuvent monter en flèche aussi facilement qu’ils peuvent s’effondrer, de manière inattendue et soudaine.

La Chine, où les confinements liés à la COVID-19 restent très répandus, finira par rouvrir ses villes à davantage de commerce et de trafic, ce qui augmentera la demande. Les ponctions de pétrole dans la réserve stratégique des États-Unis prendront fin en novembre et il faudra la remplir à nouveau. Et un seul évènement inattendu – par exemple, un ouragan – pourrait faire monter en flèche les prix du carburant.

Ce genre de catastrophe pourrait provoquer des raz-de-marée dans l’économie américaine et même mondiale, car les prix de l’énergie sont fondamentaux pour les prix de tout ce qui est expédié et produit, qu’il s’agisse de céréales ou de matériaux de construction.

« Les prix du pétrole ont toujours la capacité de surprendre », affirme Daniel Yergin, historien de l’énergie et auteur de The New Map : Energy, Climate and the Clash of Nations.

Les prix pourraient baisser... et remonter

Les prix pourraient se détendre davantage si l’Iran accepte un nouveau projet d’accord nucléaire, ouvrant ainsi un robinet potentiel d’au moins 1 million de barils supplémentaires par jour d’exportations pétrolières iraniennes.

En outre, la perspective d’une hausse continue des taux d’intérêt fait que de nombreux investisseurs et économistes prédisent une récession et une réduction de la demande.

« Je pense que les prix du pétrole pourraient baisser », estime Sarah Emerson, présidente d’ESAI Energy, une société d’analyse. « Nous avons plusieurs facteurs réunis en même temps : la Chine qui a réduit ses importations de pétrole brut au troisième trimestre, la fin de la forte demande estivale pour l’essence, des inquiétudes sur un ralentissement économique, et franchement, une offre abondante. »

Mais elle ajoute rapidement : « Cela ne veut pas dire que les prix ne remonteront pas », notant la fin prochaine de la réduction de la réserve stratégique américaine et la possibilité que l’Europe substitue le pétrole au gaz naturel en cas d’hiver froid.

Difficile prédiction

Prédire les prix de l’énergie a toujours été un jeu de dupes, car de nombreux facteurs entrent en jeu, notamment les attentes des négociants, l’instabilité politique de pays producteurs comme le Venezuela, le Nigeria et la Libye, et les décisions d’investissement des sociétés pétrolières.

Aujourd’hui, ces complexités sont particulièrement difficiles à évaluer.

Un récent rapport de Citigroup intitulé (When) Will Oil Bulls Start Revising Forecasts Down ? soulevait plusieurs questions. Avec une récession mondiale « à l’horizon », peut-on lire, « qu’est-ce qui est le plus probable, une saison robuste d’ouragans, voyant les prix s’envoler ? Un retour des barils iraniens ? Ou une récession, avec un pétrole à 60 $ US d’ici la fin de l’année ou le début de 2023 ? » Si le baril de pétrole devait tomber à 60 $ US, le prix moyen de l’essence aux États-Unis baisserait probablement d’au moins 1 $ US supplémentaire par gallon.

Mais quelques jours après les projections de Citi, Goldman Sachs Commodities Research a prédit un rebond des prix avec la reprise de la demande de carburant. « Nous voyons des risques de queue croissants pour les prix des produits de base inhérents au scénario de croissance soutenue, de faible chômage et de stabilisation du pouvoir d’achat des ménages », conclut le rapport.

La guerre en Ukraine reste une variable majeure dans les perspectives d’approvisionnement mondial, car la Russie fournit normalement 10 des 100 millions de barils quotidiens du marché mondial.

Depuis l’invasion de l’Ukraine, les exportations russes quotidiennes ont diminué d’environ 580 000 barils. Les sanctions européennes sur le pétrole russe devraient se durcir un peu plus d’ici février.

Un autre facteur a été la demande relativement tiède aux États-Unis, qui représentent plus d’un tiers de la demande mondiale d’essence. La demande d’essence est restée stable par rapport aux moyennes d’avril, selon J.P. Morgan Commodities.

Cette tendance pourrait changer avec la baisse des prix. La semaine dernière, les Américains ont augmenté leur consommation d’essence de 508 000 barils par jour par rapport à la semaine précédente, selon le département de l’Énergie. Cependant, la consommation est restée inférieure de plus de 300 000 barils par jour à celle d’il y a un an.

Et puis, il y a l’abandon des combustibles fossiles. Un nombre croissant d’investisseurs dans le secteur de l’énergie est sceptique quant à l’avenir des transports à base de pétrole et affirme que les prix vont baisser sur le long terme.

« La demande de véhicules électriques augmente, a déclaré Daniel Sperling, expert en transport à l’Université de Californie à Davis. Cela envoie beaucoup de signaux. »

Cet article a été initialement publié dans le New York Times.

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