C’est Vladimir Poutine qui doit être content. Sa guerre en Ukraine sème la zizanie dans le couple franco-allemand qui avait réussi jusqu’ici à s’accorder sur les questions les plus fondamentales pour la défense de l’Europe.

Huit mois après l’invasion de l’Ukraine qui a plongé le continent européen dans le chaos, le discours solidaire laisse peu à peu la place à un sauve-qui-peut généralisé chez les 27 membres de l’Union. La détérioration des relations entre la France et l’Allemagne en est un bon exemple.

L’Allemagne lance le sauve-qui-peut

Il devient de plus en plus évident que l’Allemagne a décidé envers et contre tous de sauver son économie du naufrage. Le moteur économique de l’Europe est en train de caler. Une entreprise sur six a décidé de réduire ou d’abandonner sa production à cause du prix élevé de l’énergie, selon la Conférence des chambres de commerce et d’industrie allemandes, qui représente 3,5 millions d’entreprises. Les fermetures se multiplient et même le géant BASF, le plus ancien et le plus grand fabricant de produits chimiques au monde, parle de cesser ses activités en Europe.

Bref, le feu est pris et le gouvernement allemand a décidé de venir à la rescousse avec un énorme plan d’aide de 200 milliards d’euros pour soulager consommateurs et entreprises aux prises avec l’augmentation faramineuse du prix de l’énergie.

Cette intervention sans précédent s’ajoute aux mesures ponctuelles déjà prises par l’État allemand, comme une baisse du prix du carburant et une réduction des tarifs des transports en commun.

Selon les informations disponibles, Berlin bloquera le prix du gaz à partir du 1er janvier prochain pour les grandes entreprises, les hôpitaux et les écoles, et subventionnera la consommation de gaz des ménages allemands à hauteur de 80 %.

Des voix se sont aussitôt élevées en France, mais aussi ailleurs en Europe, contre la décision du gouvernement allemand de sortir un bazooka pour défendre son économie alors qu’il a refusé d’accepter des mesures qui auraient aidé tous les pays de l’Union.

On lui reproche d’avoir dit non à un plafonnement des prix du gaz à l’échelle européenne, mais de dépenser sans compter pour subventionner le prix du gaz pour ses propres entreprises. Bref, les politiciens allemands prêchent la frugalité quand il est question de l’Europe, mais font preuve d’une extraordinaire générosité quand leurs entreprises souffrent.

Les moyens limités des autres pays

À part la France, qui dépense autant de son côté pour aider ses entreprises et ses consommateurs à faire face à la hausse des coûts de l’énergie, les autres membres de l’Union ne peuvent faire que leur possible. Des pays comme l’Espagne ou l’Italie tentent aussi de venir en aide à la population, mais leurs moyens sont limités. L’Espagne a annoncé par exemple un programme d’aide de 9,5 milliards d’euros, et l’Italie a débloqué 66 milliards d’euros, selon une recension du magazine L’Express. Des armes de petit calibre comparativement au bazooka allemand.

Les sujets de discorde n’ont jamais manqué dans cette famille disparate et souvent dysfonctionnelle qu’est l’Union européenne, et la guerre en Ukraine en met de nouveaux sur la pile. C’est le cas des dépenses militaires.

Budget militaire allemand augmenté

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a eu l’effet d’un électrochoc en Allemagne, qui a décidé d’augmenter son budget militaire pour être en mesure de se défendre elle-même plutôt que de s’appuyer sur l’OTAN et sur les Américains comme elle le fait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le budget militaire allemand sera augmenté jusqu’à représenter 2 % du PIB du pays, comme le prescrit l’OTAN. Ce sont des investissements supplémentaires de 100 milliards prévus à l’horizon 2024 qui auraient pu grandement bénéficier à l’industrie européenne de l’armement et aux entreprises françaises en particulier.

Mais les Allemands se montrent plus enclins à acheter des F35 et des équipements de fabrication américaine qu’à favoriser l’Europe et ses projets militaires déjà sur la table depuis des années1.

Cette infidélité allemande au profit des Américains ajoute aux tensions du couple franco-allemand et fragilise le front commun européen contre la Russie. Ce que Poutine souhaite, c’est une augmentation de la pression pour obliger l’Ukraine à des compromis qui mettraient fin à la guerre. Sur ce front-là, le président russe avance.

1. Lisez l’article du Monde