À vouloir aller trop vite sur la route de la transition énergétique, on risque de faire flamber les prix des matières premières nécessaires pour atteindre le but et même de s’éloigner de l’objectif.

L’inflation verte nous guette, a prévenu mercredi l’économiste Marc-Antoine Dumont, lors d’une présentation devant la section de l’Outaouais de l’Association des économistes du Québec. « Certains prix sont appelés inévitablement à augmenter quand les coûts de la pollution seront intégrés aux coûts de production », a-t-il expliqué.

L’important est de garder cette nouvelle source d’inflation sous contrôle en évitant les mesures trop agressives. « Plus on va vite et plus on risque de s’enfarger dans le processus », résume-t-il lors d’un entretien avec La Presse.

Même si, pour beaucoup, les choses ne changent pas assez vite, la modération a bien meilleur goût, selon lui, Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas accélérer le pas. « Il y a une nuance entre aller trop vite et accélérer le pas », souligne-t-il.

Il donne l’exemple de la transition des véhicules à essence vers les véhicules électriques, qui nécessitera énormément d’investissements et de ressources minières. « Il va falloir développer de nouvelles capacités de production, de raffinage et de recyclage pour satisfaire cette demande, ce qui prend du temps. »

Il faut environ 16 ans entre la découverte d’un gisement de cuivre et sa mise en production, illustre l’économiste de Desjardins.

Si la demande pour les véhicules électriques augmente plus vite que l’offre pour satisfaire cette demande, les prix vont exploser et vont mettre un frein à la transition énergétique.

Marc-Antoine Dumont, économiste chez Desjardins

De même, il y a un fort mouvement en faveur du désinvestissement dans le secteur pétrolier, mais là encore, c’est important d’y aller graduellement, prévient l’économiste.

Même si l’idée ne plaît pas à tout le monde, il faudra continuer d’investir dans les industries polluantes pour les moderniser et répondre aux besoins tant qu’il y en aura, estime l’économiste. La technologie pour faire rouler les camions lourds n’existe pas encore, a-t-il pointé.

Il ne faut donc pas restreindre l’offre de pétrole tant que des substituts ne sont pas disponibles. « Une réglementation environnementale sévère et imprévisible pourrait restreindre l’offre et provoquer des hausses de prix néfastes à l’économie et à l’acceptabilité sociale de la transition énergétique. »

De l’inflation durable

Cette nouvelle source d’inflation liée à la transition énergétique et à la lutte contre les changements climatiques est là pour plusieurs années. L’économiste croit que ce n’est pas un problème, si elle reste sous contrôle.

La politique monétaire des banques centrales devra s’adapter à cette réalité qui complique leur travail, soit le contrôle de l’inflation. La Banque du Canada et les autres banques centrales admettent elles-mêmes qu’elles sont mal outillées pour faire face aux impacts de la transition énergétique, et il est déjà question dans leurs discussions d’augmenter la cible d’inflation ou de tenir compte du prix de la pollution dans la mesure de l’inflation.

Les gouvernements disposent d’une marge de manœuvre plus importante pour aider les entreprises et les consommateurs à s’adapter et pour gérer l’inflation verte, selon l’économiste de Desjardins. Ils peuvent notamment établir des objectifs crédibles, se donner des moyens clairs pour les atteindre et prévoir des correctifs pour les ajuster au besoin.