D’un point de vue économique, le ciel de 2023 est rempli de nuages noirs. Mais après la pluie vient le beau temps, dit l’adage, et l’équipe de La Presse Affaires s’est efforcée de regarder au-delà de ces nuages pour trouver les éclaircies. Aujourd’hui : le retour au travail en présentiel.

La crainte

Après avoir goûté au télétravail, puis au mode hybride, bon nombre d’employés redoutent que leur employeur augmente le nombre de jours obligatoires au bureau. Avec l’inflation qui diminue le pouvoir d’achat des Québécois, l’ajout d’une ou de deux journées de dépenses en transport, en repas et en café inquiète certains travailleurs. Comment réagira la famille si l’on est contraint de supprimer Netflix et la pizza du vendredi soir pour compenser ces dépenses de déplacement ? Sans compter le stress de la circulation routière, l’angoisse des détours occasionnés par la réparation du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, les pannes de métro et les autobus qui ne respectent pas les horaires établis. La hantise de voir apparaître le courriel fatidique des ressources humaines annonçant une nouvelle politique de présence au bureau empêche de dormir les plus anxieux.

L’angle positif

Les côtés positifs d’une présence physique sur les lieux de travail sont nombreux, assure Emilie Pelletier, spécialiste en ressources humaines pour la firme HRM Groupe.

« Le simple fait de pouvoir lever la tête pour poser une question à un collègue, de s’arrêter cinq minutes à côté de la machine à café pour avoir la perspective de quelqu’un d’autre sur un dossier, énumère-t-elle, ce sont des côtés relationnels qu’on a perdus avec le télétravail. »

Le remue-méninges en personne est aussi plus agréable et augmente la qualité d’attention des participants. Tous les collègues peuvent voir la réaction des autres aux idées de chacun. On ne capte pas seulement les émotions de six visages maximum qui apparaissent à l’écran d’ordinateur. On voit l’ensemble du langage corporel de tous les participants qui, soumis aux regards de tous, se gardent en général une petite gêne de texter pendant la réunion.

Un des besoins psychologiques cruciaux pour être motivés au travail selon la TAD, la théorie de l’autodétermination, est celui de l’appartenance, explique le professeur titulaire à l’ESG UQAM Jacques Forest dans son dernier livre, Libérer la motivation.

Faire partie d’un groupe, ressentir des liens chaleureux avec ceux qui nous entourent, se sentir aimé, se soucier des autres, cette qualité des relations humaines est présentée dans diverses études comme le facteur prédictif du bonheur, écrit-il. « S’entraider pour respecter les délais, pouvoir s’épancher sur une interaction qui a été plus difficile et se demander sincèrement “comment ça va ?”, voilà qui satisfait davantage le besoin d’appartenance », relate-t-il dans le livre.

Or, tisser des liens avec des collègues, des clients et des fournisseurs est plus simple en présentiel, tout comme intégrer de nouveaux employés. Le transfert de connaissances se fait plus naturellement et rapidement en face à face.

Il y a toute la culture organisationnelle, cette énergie d’entreprise, l’expérience de l’employé, la marque employeur qui n’est pas facile à faire vivre à distance. Si notre sentiment d’affiliation avec l’entreprise est solide, on va passer à travers les crises. Ceux qui sont arrivés en virtuel n’ont pas le même niveau d’affiliation et peuvent avoir l’impression d’être plus à part.

Emilie Pelletier, spécialiste en ressources humaines pour la firme HRM Groupe

Les petites attentions comme la boîte de beignes qui arrive le vendredi matin créent un moment social dans l’équipe, dit-elle, un moment d’échange, où l’on apprend à se connaître au-delà de la vie professionnelle.

Les risques de tomber en dépression et en isolement diminuent lorsqu’on sent qu’on a le soutien de ses collègues, du patron et de l’organisation. En général, on capte plus aisément les signaux de détresse en personne.

Emilie Pelletier observe également que les dossiers disciplinaires se gèrent mieux en personne. « Le gestionnaire a besoin du non-verbal pour rattraper la balle au bond, questionner davantage l’employé, s’assurer que ce soit le bon message qu’il transmet. »

Et ça va dans les deux sens, rappelle-t-elle. Faire part d’un problème à son gestionnaire se fait avec plus de facilité en personne.

Le métro est en panne ? Profitez-en pour marcher jusqu’à la station suivante en compagnie d’un ou d’une collègue sympathique. Vous aurez fait du même coup votre activité physique quotidienne. L’option de la marche est impossible ? Profitez de l’attente pour avancer votre livre, flâner sur les réseaux sociaux ou prendre des nouvelles d’un proche.