La transaction a été consommée la semaine dernière, lorsque les actionnaires de la banque suisse UBS ont accepté avec réticence le rachat de Credit Suisse pour éviter la faillite de la deuxième banque en importance du pays. C’est un coup dur pour la Suisse qui, en plus de perdre une institution vieille de 187 ans, perd un peu la face.

La finance est une des spécialités de la Suisse. La chute en vrille de Credit Suisse, qui respectait et même dépassait les ratios de solidité financière imposés par les autorités réglementaires, est bien la preuve qu’on ne peut rien tenir pour acquis.

Les banques sont un fleuron national suisse, au même titre que les montres et le chocolat. Les montres suisses sont connues et convoitées partout dans le monde. Elles sont le troisième produit d’exportation du pays, derrière le secteur pharmaceutique et celui des machines-outils. Plus de 100 000 emplois y sont liés.

Contrairement à Credit Suisse, dont personne n’avait prévu la disparition, l’avenir de cette autre institution soulève depuis longtemps des inquiétudes dans le pays.

L’industrie horlogère suisse a survécu à plusieurs « fins du monde » annoncées dans ce secteur au fil des années. Elle est passée au travers de la vague de production industrielle qui a failli l’emporter et a résisté à la révolution des montres à quartz japonaises qui lui ont ravi une partie de son marché.

C’est surtout grâce à Swatch et à ses montres en plastique que le secteur des garde-temps, comme on dit en Suisse, a connu sa dernière renaissance. C’était il y a 40 ans. Aujourd’hui encore, le groupe Swatch domine l’industrie suisse. L’entreprise, qui a aussi des marques comme Omega et Longines dans sa gamme, est le deuxième exportateur de montres du pays, derrière Rolex.

Swatch s’attend à des ventes record cette année grâce à un nouveau produit vedette, la Swatch Omega, mais ce succès cache le déclin constant du nombre de montres vendues par le groupe. Swatch, qui a déjà vendu 20 millions de montres dans ses meilleures années, n’en vend plus qu’entre 3 et 7 millions, selon les estimations de l’industrie.

Personne n’a encore besoin d’une montre pour savoir l’heure. Pourtant, les marques suisses de grand luxe, comme Rolex, Longines ou Patek Philippe, ont encore la cote auprès des plus riches de la planète. Leurs produits sont devenus des objets de collection.

Aujourd’hui, la Suisse produit moins de 2 % des montres fabriquées dans le monde, mais accapare 50 % des ventes totales en valeur. Cette année, les ventes de montres devraient fracasser un record, malgré l’inflation et la détérioration de l’économie. Le luxe semble être encore à l’abri des intempéries.

Avec les montres connectées, qui ont supplanté depuis longtemps les montres mécaniques qui sont la spécialité suisse, une autre fin du monde est appréhendée pour le fleuron suisse. Apple, qui a commencé à fabriquer des montres en 2015, en produit maintenant plus que toutes les entreprises suisses réunies.

La Suisse s’est mise elle aussi aux montres connectées, avec l’ambition d’allier la beauté et la qualité de la fabrication suisse avec certaines fonctionnalités des Apple Watch et autres. Le pari n’est pas gagné, c’est le moins qu’on puisse dire.

Les montres suisses survivront-elles au XXIe siècle ? C’est la question que se (re)pose maintenant l’industrie.