(Washington) Le ralentissement de l’économie américaine s’est confirmé au premier trimestre, avec une croissance du produit intérieur brut (PIB) largement inférieure aux attentes, premier signe tangible des effets de l’envolée des taux de la Réserve fédérale (Fed) menée depuis un an pour lutter contre l’inflation.

Sur les trois premiers mois de l’année, la croissance du PIB s’est établie à 1,1 % en rythme annualisé, selon une première estimation publiée jeudi par le département du Commerce. Cela représente un fort coup de frein comparé aux 2,6 % enregistrés sur le trimestre précédent, mais également très en deçà des attentes des analystes, qui tablaient plutôt sur une croissance de 2 % sur le trimestre, selon le consensus de Briefing.com.

Par rapport au trimestre précédent, la croissance de l’économie américaine est de 0,3 %, soit moitié moins que le rythme observé au dernier trimestre 2022 (+ 0,6 %).

« La croissance du PIB reflète une hausse des dépenses de consommation, des dépenses publiques et des exportations qui vient compenser la baisse des investissements privés et immobiliers », a détaillé le Ministère dans son communiqué, qui souligne également que la croissance subit l’effet d’une hausse des importations.

Le déficit commercial s’est en effet creusé sur les deux premiers mois de l’année du fait d’une accélération des importations, notamment en matières premières et en produits pharmaceutiques.

Par ailleurs, si la consommation des ménages s’est maintenue de janvier à mars, elle a ralenti au fil des mois, reculant même de 1 % le mois dernier, alors que la confiance des consommateurs est elle aussi en baisse.

Non sans raison : même si l’inflation a ralenti au point d’atteindre en mars 5 % sur un an, soit son niveau le plus faible depuis presque deux ans, selon l’indice CPI, elle reste toujours trop élevée et pèse sur le pouvoir d’achat des ménages.

Pourtant, le revenu disponible réel est en accélération par rapport au trimestre précédent, en hausse de 8 % sur un an, contre 5 % au dernier trimestre 2022, notamment sous l’effet d’une progression des salaires et des prestations sociales.

Risque d’inflation généralisée

Les ménages américains doivent également faire face à la hausse des coûts d’emprunt, qui ont régulièrement progressé durant l’année, suivant le rythme de l’augmentation du principal taux directeur de la Fed.

Les taux d’intérêt au jour le jour sont désormais compris entre 4,75 et 5 %, au plus haut depuis 2007, et devraient continuer à être relevés tant que l’inflation n’est pas revenue à 2 %, la cible de la banque centrale américaine.

« Nos données nous laissent à penser que le resserrement monétaire et les récentes tensions dans le système bancaire vont entraîner une légère récession, plus forte cependant que ce que nous avions anticipé jusqu’à présent », a souligné le chef économiste d’Oxford Economics, Ryan Sweet, interrogé par l’AFP.

La plupart des analystes s’attendent à une fin d’année plus difficile pour les États-Unis, avec une croissance qui devrait être faible, voire une récession, sur les prochains trimestres, notamment du fait du durcissement des conditions de crédit.

« Le coup de fouet des dépenses est en train de s’estomper, nous prévoyons une consommation bien plus faible au deuxième trimestre, notamment du fait de la détérioration du marché de l’emploi et du ralentissement des embauches qui créent de la nervosité et incitent les gens à épargner », a pour sa part estimé dans une note Ian Shepherdson, chef économiste pour Pantheon Economics.

Le taux d’épargne sur le trimestre a en effet augmenté de 0,8 point de pourcentage par rapport au trimestre précédent, l’épargne repartant à la hausse après plusieurs mois de baisses, selon les données du Ministère.

La Fed doit se réunir la semaine prochaine afin de décider, ou non, d’une nouvelle hausse de taux, alors que le marché anticipe un relèvement modéré, de l’ordre de 0,25 point de pourcentage.

La publication vendredi de l’indice PCE de l’inflation, qui est celui suivi par la Fed, devrait donner une indication sur la décision que devrait prendre la banque centrale.

La crainte pour la Fed est de voir se matérialiser un risque d’inflation « généralisée dans l’économie », a alerté le 21 avril une gouverneure de l’institution, Lisa Cook. Elle a souligné que si les différentes mesures de l’inflation « étaient revenues de leurs sommets, elles restaient élevées, ce qui suggérait que l’inflation s’était généralisée dans l’économie ».

« La grande question est de savoir si, et à quelle vitesse, l’inflation poursuivra sa trajectoire à la baisse vers notre objectif de 2 % », avait-elle ajouté.