Mois après mois, le marché du travail continue de défier les prévisions de récession pour le Québec. Il y avait en avril 10 500 emplois de plus qu’en mars et le taux de chômage reste près de son creux historique, à 4,1 %.

Au Canada, l’emploi est en hausse pour le huitième mois d’affilée, selon Statistique Canada. Le nombre d’emplois a augmenté de 41 000, soit deux fois plus que ce que prévoyaient les économistes.

L’économie canadienne a créé presque un quart de millions d’emplois depuis le début de l’année, note l’économiste en chef de la Banque Laurentienne, Sébastien Lavoie.

La forte immigration continue de stimuler la création d’emplois, ce qui favorise l’Ontario où se retrouve plus de la moitié des emplois créés en avril.

Sébastien Lavoie, économiste en chef de la Banque Laurentienne

Les gains d’emplois sont plus modestes au Québec, où la main-d’œuvre est plus rare. De toutes les régions urbaines canadiennes, c’est à Québec que le taux de chômage est le plus bas, à 1,7 %. Il est de 4,6 % dans la région métropolitaine de Montréal.

Surtout du temps partiel

Tous les emplois créés en avril étaient des emplois à temps partiel. L’emploi à temps plein a reculé pour la première fois, ce qui pourrait être un premier signe de ralentissement de l’embauche, selon Randall Bartlett, directeur principal, économie canadienne, chez Desjardins. « Les résultats détaillés ne sont pas aussi positifs que ce que les données globales laissent supposer », a-t-il commenté.

L’emploi a augmenté surtout dans quatre secteurs d’activités : le commerce de gros et de détail ; le transport et l’entreposage ; l’information, la culture et les loisirs ; l’enseignement.

Les salaires augmentent encore

Le salaire horaire moyen a continué d’augmenter à un bon rythme en avril. La hausse a été de 5,2 %, comparativement à 5,3 % en rythme annuel le mois précédent. Le salaire minimum a augmenté dans quatre provinces, soit le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et le Manitoba. L’enquête de Statistique Canada d’avril ne tient pas compte de la hausse de 1 $ l’heure du salaire minimum au Québec, en vigueur depuis le 1er mai.

La tendance à la hausse des salaires pourrait se poursuivre puisque les fonctionnaires fédéraux ont conclu des contrats de travail qui prévoient des hausses de salaire annuelles supérieures à 3 %.

« Le marché du travail doit se rééquilibrer et la progression des salaires se modérer » pour que l’inflation revienne à la cible de 2 %, a encore affirmé le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, dans un discours à Toronto jeudi.

Du chaud et du froid

Le marché de l’emploi qui continue sa progression et les salaires qui augmentent compliquent la tâche de la Banque du Canada, qui a augmenté huit fois son taux directeur pour ralentir l’économie et ramener l’inflation à la cible de 2 %.

D’autres indicateurs importants se montrent aussi plus résilients que prévu. C’est le cas du marché de l’habitation, qui a été moins secoué que ce qui était attendu et qui semble commencer à se stabiliser.

« Avec des taux d’intérêt ayant atteint le niveau actuel au rythme le plus rapide depuis une génération, la récente correction du marché de l’habitation aurait normalement dû être plus prononcée qu’elle ne l’a été », souligne l’économiste de Desjardins.

Cette évolution pourrait pousser la Banque du Canada à mettre fin à sa pause et à annoncer une autre hausse de taux, ce qui reste toujours une possibilité, selon la plupart des économistes.

Par contre, l’inflation en baisse, de 8,1 % il y a un an à 4,3 % en mars, et la crise bancaire qui mijote aux États-Unis sont des éléments qui incitent la banque centrale à la prudence.

Le taux de chômage à 3,4 % aux États-Unis

Le marché de l’emploi reste solide aux États-Unis où, malgré les hausses de taux d’intérêt, le taux de chômage est passé de 3,5 % en mars à 3,4 % en avril, son niveau le plus bas depuis 1969. L’économie affiche 253 000 emplois de plus et le salaire horaire moyen continue d’augmenter, à un rythme annuel de 4,4 %. L’emploi reste en hausse dans les services aux entreprises, les soins de santé, les loisirs et l’hôtellerie, ainsi que dans l’aide sociale. Le président Joe Biden a salué ces chiffres dans un tweet : « Mon programme pour investir dans l’Amérique fonctionne. » Une baisse des créations d’emplois et une hausse du taux de chômage sont pourtant attendues pour parvenir à juguler l’inflation. Celle-ci, toujours très forte, avait été alimentée, entre autres, par l’importante croissance des salaires liée au manque de main-d’œuvre. La Réserve fédérale a encore augmenté ses taux mercredi, pour la 10fois d’affilée.

Hélène Baril, La Presse