Les grands investisseurs de ce monde sont tous confrontés au même dilemme : faut-il continuer de financer les producteurs d’énergie fossile ou leur couper les vivres pour accélérer la transition énergétique ?

La question a été mise sur la table mercredi par Mark Carney, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, qui dirige aujourd’hui une alliance internationale d’institutions financières en route vers la carboneutralité, et Guy Cormier, le président et chef de la direction du Mouvement Desjardins, à l’occasion d’un Sommet sur la finance durable tenu à Montréal.

Alors, partir ou rester là ? « On peut faire les deux », a répondu Guy Cormier, qui a rappelé que l’institution qu’il dirige a déjà fait le choix de ne pas investir dans le charbon ou les pipelines.

Desjardins choisit aussi de continuer d’appuyer des entreprises polluantes « quand il y a moyen d’avoir une influence positive », a dit Guy Cormier. Il est toujours possible de s’en aller après quelques années si aucun progrès ne peut être constaté, a-t-il ajouté.

Mark Carney, de son côté, est d’avis que les investisseurs qui restent aux côtés des producteurs d’énergie fossile doivent exiger d’eux un plan crédible pour atteindre la carboneutralité.

D'autres solutions

Si ce n’est pas possible, d’autres solutions existent, selon Mark Carney. Il a donné l’exemple de Brookfield Asset Management, dont il est un des dirigeants, qui s’est allié avec d’autres investisseurs pour faire l’acquisition du plus important producteur d’énergie d’Australie, responsable de 7 % de toutes les émissions du pays, pour le privatiser et y investir plusieurs milliards afin de le mettre sur le chemin de la carboneutralité.

Ces investisseurs estiment que l’entreprise va prendre de la valeur en se transformant, a expliqué Mark Carney.

Nous sommes dans une crise climatique et toutes les entreprises doivent avoir un plan crédible.

Mark Carney

Pour être crédible, ce plan doit établir si l’entreprise fait partie du problème ou de la solution vers la transition énergétique. Une façon d’évaluer ce plan est de regarder si la proportion des dépenses d’une entreprise dans la transition énergétique augmente par rapport à ses autres dépenses.

En tant qu’envoyé spécial de l’Organisation des Nations unies pour le financement d’actions climatiques et leader de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), Mark Carney doit constater que les institutions financières, qui ont la responsabilité de financer la transition énergétique, n’ont pas la même vision des choses. Des assureurs ont déjà quitté l’alliance formée en 2021 et des banques ont menacé de le faire si des règles trop contraignantes leur étaient imposées.

Pour sa part, le président de Desjardins a insisté sur le fait qu’il y a urgence d’agir. On n’a pas de planète B, a-t-il dit. Guy Cormier a témoigné que son entreprise constate de très près l’impact des changements climatiques. « La moitié de nos revenus viennent de l’assurance, a-t-il dit. Avant, on assurait des feux, aujourd’hui on assure des inondations et des catastrophes naturelles. »

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