Pas facile d’enrichir un pays, comme le constate le premier ministre du Québec, qui en a fait son objectif principal. Il n’y a pas de recette magique. Le Portugal en a essayé une qui a fini par se retourner contre lui.

Après la crise financière de 2008, l’économie portugaise était à genoux. Le pays a voulu améliorer son sort en attirant les investisseurs étrangers avec du miel. Les visas dorés lancés en 2012 accordent un permis de résidence aux étrangers désireux d’investir de deux façons : soit en investissant un million d’euros dans l’économie, soit en achetant une propriété d’une valeur d’au moins 500 000 euros.

La mesure a eu un succès fou et les demandes de résidence permanente ont afflué, au point que les services d’immigration ont été débordés. Elle a aussi enrichi une pléthore d’intermédiaires qui offraient de faciliter l’obtention du visa doré dans tous les pays et dans toutes les langues.

L’offre du Portugal était généreuse : avec un visa doré vient en effet une foule d’avantages, dont les soins de santé et l’éducation, la possibilité de voyager sans visa partout en Europe et dans l’espace Schengen, et surtout, aucune obligation de résider dans le pays.

La stabilité politique et économique, un riche héritage culturel, un climat agréable, des plages fantastiques et un coût de la vie très bas sont en prime.

Le message a été capté rapidement par les millionnaires du monde entier, qui ont raflé les propriétés les plus intéressantes de Lisbonne, de Porto et de l’Algarve. Moins riches, mais très nombreux ont été les travailleurs autonomes attirés par les mesures incitatives offertes pour s’installer au pays et par l’élimination des taxes sur les activités de cryptomonnaies.

Les étrangers ont afflué au Portugal de partout, surtout de la Chine, du Brésil et aussi des États-Unis. Les Californiens, notamment, ont été nombreux à quitter leur mode de vie qui fait des envieux ailleurs et à braver la barrière de la langue, selon le Los Angeles Times, qui est allé les rencontrer1. Ces Américains ont fui le trumpisme, la violence armée et le coût exorbitant des services de santé et d’éducation de leur pays d’origine.

Une fausse bonne idée

Ce qui devait arriver arriva. Sur les quelque 12 000 visas dorés accordés par le gouvernement portugais depuis le début du programme, la presque totalité l’a été à des acheteurs de maison. De l’argent étranger a bel et bien convergé vers le Portugal, mais le pays ne s’est pas vraiment enrichi pour autant. L’écart entre le produit intérieur par habitant au Portugal et celui du reste de l’Europe s’est accru, selon les statistiques européennes.

L’afflux d’étrangers fortunés a surtout fait flamber les prix des maisons, mais aussi des loyers, au point de rendre le logement hors de prix pour la population du pays, un des plus pauvres d’Europe.

La crise du logement est telle que le gouvernement a décidé en février de mettre fin à la délivrance de visas dorés, et le programme devrait prendre fin officiellement avant la fin de l’année.

Le Portugal n’est pas le seul pays européen à avoir voulu attirer des investissements étrangers en échange d’un permis de résidence. D’autres, comme le Royaume-Uni et l’Irlande, qui avaient des programmes similaires, ont dû faire marche arrière quand il devenu évident que les visas dorés pouvaient faciliter le blanchiment d’argent ou, depuis l’invasion de l’Ukraine, l’arrivée indésirable de citoyens russes fortunés.

Les autorités politiques européennes s’apprêtent à réagir contre cette pratique, par laquelle certains pays « vendent » une citoyenneté européenne qui ne leur appartient pas.

« Être un citoyen ou un résident de l’UE représente le cœur de ce que l’Union incarne : la liberté et les droits. Vendre cela comme un produit en échange d’un investissement immobilier témoigne du manque de respect des gouvernements des États membres. Ce n’est pas à eux de le vendre, et ils menacent notre sécurité », dit le rapport adopté par les députés européens qui réclament un meilleur contrôle des visas dorés.

Lisez le texte du Los Angeles Times (en anglais)
En savoir plus
  • 6,8 %
    Taux de chômage
    SOURCE : Banque du Portugal (2023)
    5,2 %
    Taux d’inflation
    SOURCE : Banque du Portugal (2023)