(Ottawa) La Banque du Canada « est en train de causer l’inflation qu’elle est censée combattre », a affirmé Jagmeet Singh mercredi. Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) a joint sa voix au concert de critiques qui dénoncent les répercussions négatives de la politique monétaire canadienne sur les ménages. La ministre Chrystia Freeland a continué de défendre l’indépendance de cette institution.

« Vous savez quel est le facteur principal de l’inflation maintenant ? a-t-il demandé. Une augmentation de 30 % du prix des hypothèques. »

« Selon la Banque du Canada et Justin Trudeau, monter les taux d’intérêt est censé faire diminuer l’inflation, a-t-il continué. C’est le but de l’exercice. Mais maintenant, la Banque du Canada est en train de causer l’inflation qu’elle est censée combattre. »

Il a prononcé ce discours mercredi matin en ouverture du caucus des députés du NPD à Ottawa avant la rentrée parlementaire du 18 septembre.

La Banque du Canada avait annoncé un peu plus tôt que son taux directeur demeurait inchangé alors que l’économie montre des signes de ralentissement. Ce répit survient après 10 hausses qui l’ont fait passer de 0,25 % à 5 %, entre mars 2022 et juillet 2023.

L’institution est sous le feu des critiques depuis quelque temps. Les premiers ministres de la Colombie-Britannique, de Terre-Neuve-et-Labrador et de l’Ontario l’ont exhortée récemment à donner du répit aux ménages.

« Assez, c’est assez ! Vous êtes en train de tuer l’économie », avait lancé mardi le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford.

Le premier ministre du Québec, François Legault, s’est gardé de leur emboîter le pas.

À Ottawa, Jagmeet Singh a souligné que le ralentissement de l’économie qui suit ces hausses signifie que moins d’emplois seront disponibles, que moins de maisons seront abordables et qu’en bout de piste les ménages auront moins d’argent pour subvenir à leurs besoins.

Il estime que le premier ministre Justin Trudeau doit envoyer un message au gouverneur de la banque centrale, Tiff Macklem, pour lui dire que des politiques qui « font mal aux travailleurs et qui font mal aux familles » sont mauvaises.

« Bien sûr, la Banque du Canada reste une organisation indépendante, mais c’est quand même le premier ministre et le gouvernement qui lui donnent le mandat », a nuancé le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice. « Un mandat extrêmement strict, extrêmement étroit » qui pourrait être plus flexible.

La Banque du Canada est indépendante du pouvoir politique, mais son mandat est fixé par le gouvernement tous les cinq ans. Il a été renouvelé en 2021 avec une cible d’inflation qui se situe entre 1 % et 3 %. Le mandat actuel prendra fin le 31 décembre 2026.

Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a également blâmé le premier ministre Justin Trudeau. « Ses déficits inflationnistes ont forcé la Banque du Canada à augmenter les taux d’intérêt plus rapidement que dans toute l’histoire monétaire de notre pays, et maintenant, il veut ajouter encore de l’inflation avec ses déficits inflationnistes », a-t-il réagi.

Il n’a pas répété la promesse de congédier le gouverneur de la banque centrale qu’il avait faite en juillet dernier.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, n’a pas manqué de rappeler ces « propos irresponsables » en marge d’une conférence de presse.

Elle a défendu par la même occasion l’indépendance de la Banque du Canada, qui offre « une stabilité institutionnelle » et donne de « la crédibilité à la politique économique et fiscale » du gouvernement. Elle a tout de même indiqué que la stabilisation du taux directeur est un « soulagement bienvenu » pour les Canadiens.

Le taux d’inflation est passé de 8,1 % juin 2022 à 3,3 % en juillet de cette année, a-t-elle également souligné dans un communiqué.

« C’est une bonne nouvelle pour les ménages et l’économie en général », a réagi à son tour le porte-parole du Bloc québécois en matière de finances, Gabriel Ste-Marie. « Ce n’est jamais facile de ramener l’inflation dans la fourchette visée. »

L’économiste de formation a lui aussi insisté sur le respect de l’indépendance de la Banque du Canada. « C’est au gouvernement via ses politiques budgétaires de venir compenser les effets négatifs », a-t-il ajouté. Il lui suggère, entre autres, d’investir davantage dans la construction de logements sociaux. Mme Freeland pourrait également aider les moins nantis en bonifiant, par exemple, la pension de la Sécurité de la vieillesse pour les personnes âgées de 65 à 74 ans. L’augmentation de 10 % accordée l’an dernier par le gouvernement Trudeau ne concerne que les 75 ans et plus.