Tous les pays veulent avoir des entreprises qui font leur fierté et qui rayonnent partout dans le monde. Dans des cas rarissimes, il arrive que le fleuron local devienne plus gros que l’économie nationale.

C’est ce qui se passe au Danemark, qui vit actuellement une période de gloire avec le succès de Novo Nordisk, une entreprise née sur son territoire il y a 100 ans.

La pharmaceutique fabrique les deux produits les plus courus dans le monde actuellement, l’Ozempic et le Wegovy. Ces deux médicaments traitent avec beaucoup de succès le diabète et l’obésité, des maux qui affligent des millions de personnes et qui coûtent très cher aux systèmes de santé, publics ou privés.

Les produits de Novo Nordisk sont actuellement les seuls à avoir obtenu l’approbation de la Federal Drug Administration, ce qui lui a ouvert le marché américain et le monde entier. La demande dépasse de beaucoup le volume de production que l’entreprise est en mesure de fournir.

Les investisseurs se sont jetés sur le titre de Novo Nordisk, dont la valeur a plus que doublé depuis un an. À plus de 435 milliards US vendredi au NASDAQ, la capitalisation boursière de l’entreprise dépasse maintenant le produit intérieur brut (PIB) de son pays natal de 6 millions d’habitants, le Danemark, qui atteint 398 milliards US.

Le Québec, avec ses 8,7 millions d’habitants et un PIB équivalent à celui du Danemark, n’a aucune entreprise qui s’en rapproche, même de loin. La plus importante capitalisation boursière québécoise est celle du CN, à quelque 96 milliards de dollars canadiens (70 milliards US).

Une arme à double tranchant

L’économie danoise profite donc beaucoup du succès de Novo Nordisk. Sa devise, la couronne, dont la valeur est liée à celle de l’euro, se renforce grâce aux exportations importantes de son entreprise vedette. Ça permet à la banque centrale du Danemark de conserver son taux directeur plus bas (3,35 %) que celui fixé par la Banque centrale européenne pour la zone euro (4,25 %), et d’empêcher sa devise de s’envoler. La population, par ailleurs, en bénéficie en payant moins d’intérêt sur les prêts hypothécaires.

Le pays vient de relever sa prévision de croissance de l’économie pour 2023 de 0,6 % à 1,2 %, une révision due en grande partie à la performance de Novo Nordisk.

Le poids de la pharmaceutique dans l’économie nationale est tel que les économistes danois se demandent s’il ne faudrait pas que le pays adopte un système de comptabilité nationale excluant l’entreprise, pour avoir un meilleur portrait de sa situation économique.

Tant que Novo Nordisk est sur une lancée, ça n’inquiète personne, mais il y a quand même des risques à dépendre autant d’une seule entreprise.

La Finlande peut en témoigner. Nokia, fleuron et fierté du pays, a dominé pendant deux décennies le marché mondial du téléphone portable. Même si l’entreprise n’a jamais eu l’importance qu’a actuellement Novo Nordisk au Danemark, elle a été la première capitalisation boursière d’Europe et a mis son pays sur la carte de l’économie mondiale.

Nokia a vu son marché avalé à une vitesse spectaculaire par les concurrents Apple et Microsoft, laissant des milliers de licenciements et un grand trou dans l’économie finlandaise.

Ça pourrait arriver au Danemark et à Novo Nordisk. L’entreprise jouit pour le moment d’une position dominante parce que ses produits sont les seuls homologués et vendus sur les principaux marchés du monde. Les choses pourraient changer si la concurrence se pointe. L’entreprise américaine Eli Lilly est dans la course avec son produit contre le diabète et l’obésité, Mounjaro, qui est en attente de l’approbation de la Federal Drug Administration.

Si le scénario de Nokia se reproduit avec Novo Nordisk, les conséquences pourraient être moins dramatiques au Danemark qu’en Finlande. Les Danois peuvent se vanter d’avoir d’autres grands noms parmi leurs citoyens d’affaires.

Le géant des jouets Lego de même que Maersk, le mastodonte du transport par conteneur, sont des entreprises qui n’affichent pas le taux de croissance spectaculaire de Novo Nordisk, mais ces poids lourds de l’économie nationale ont aussi une notoriété incontestable à l’échelle mondiale.