Après avoir sondé toutes les couches de la population sur la possibilité d’émettre une monnaie numérique, la Banque du Canada en arrive à la conclusion que d’autres consultations sont nécessaires avant de passer à l’action.

« La Banque poursuivra ses échanges avec un large éventail de parties prenantes au sujet des enjeux et caractéristiques qui importent le plus à la population », conclut un rapport publié mercredi par la Banque du Canada, qui rappelle que la décision d’émettre une monnaie numérique reviendra ultimement aux élus canadiens.

Une future monnaie numérique canadienne ne nécessiterait pas la divulgation de renseignements personnels et ne porterait pas intérêt, a indiqué la banque centrale pour répondre aux préoccupations qui lui ont été exprimées depuis le début de ses consultations en 2020.

C’est que l’appétit pour une monnaie numérique est assez limité au Canada. La possibilité que le gouvernement puisse contrôler la vie privée des gens avec une monnaie numérique garantie par la banque centrale est la crainte la plus souvent exprimée.

Pour répondre à ces inquiétudes, la Banque du Canada suggère qu’il ne serait pas obligatoire de fournir une pièce d’identité ou de divulguer des informations confidentielles pour pouvoir utiliser les dollars numériques. Certains renseignements personnels, comparables à ceux fournis lors de l’ouverture d’un compte de banque, pourraient être fournis sur une base volontaire pour pouvoir récupérer des fonds perdus ou volés.

Les gens utilisent de moins en moins l’argent comptant, mais ils tiennent à conserver l’accès aux billets de banque dont la valeur continuerait d’être garantie par la banque centrale, comme une éventuelle monnaie numérique.

Des banques sceptiques

Chez les représentants du secteur financier sondés, l’enthousiasme pour un dollar numérique garanti par la banque centrale n’est pas très grand non plus.

Ce manque d’enthousiasme peut se résumer ainsi : on n’en a pas besoin parce que les options de paiement actuelles répondent déjà aux besoins de la population canadienne.

Les institutions financières craignent avant tout pour leur survie. Elles s’inquiètent de voir fondre les dépôts et leurs revenus, ce qui réduirait leur capacité à prêter de l’argent aux ménages et aux entreprises. Elles craignent aussi une augmentation de la fréquence des mouvements de panique générale où les gens se ruent sur les banques pour retirer leur argent et une déstabilisation du système financier, parce qu’il serait plus simple et rapide de convertir les dépôts en monnaie numérique qu’en billets de banque.

La Banque du Canada estime qu’une partie des craintes des banques n’est pas fondée. « Afin de minimiser le risque de voir le dollar numérique remplacer les dépôts des banques commerciales, le dollar numérique ne produirait pas d’intérêt », souligne-t-elle. Pour faire fructifier leurs épargnes, les ménages auraient donc encore intérêt à continuer à les déposer dans une institution financière.

La monnaie numérique pourrait aussi devenir un nouveau véhicule pour les crimes financiers comme le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. À cet égard, il faudra trouver un équilibre entre la protection de la vie privée et la sécurité, ce qui sera du ressort des élus, estime la Banque du Canada.

Une des raisons qui motivent la plupart des pays qui envisagent de créer une monnaie garantie par la banque centrale est d’inclure les populations qui n’ont pas accès au système bancaire. Une façon d’y arriver serait de permettre l’utilisation de monnaie numérique sans nécessairement avoir une connexion à l’internet, ce qui pourrait être un avantage en cas de panne de l’internet ou de coupure d’électricité.

Une tendance de fond

La plupart des pays industrialisés examinent la possibilité d’émettre une monnaie numérique garantie pour différentes raisons, dont celle de réduire les coûts de transaction élevés associés à l’émission, à la manipulation et au stockage des billets. Les pays veulent aussi conserver leur monopole sur leur monnaie alors que de nouveaux systèmes de paiement, les cryptomonnaies, se répandent.

« Notre responsabilité est de veiller à ce que le système de paiement canadien soit prêt pour l’économie de l’avenir, a déclaré Carolyn Rogers, première sous-gouverneure de la Banque du Canada, en déposant son rapport. Les gens n’utilisent plus l’argent comme avant. S’ils décident qu’une version numérique du dollar canadien est nécessaire, nous avons l’obligation d’être prêts à la leur fournir. »

Au Canada, les paiements au comptant sont en baisse, mais pas en voie de disparition. Le plus récent sondage de la Banque du Canada, en 2021, indique que seulement 3 % des PME prévoient de ne plus accepter de paiement en argent.

C’est le Québec qui compte la plus grande proportion de commerçants qui acceptent seulement l’argent comptant, soit 15 %, et le plus faible taux d’acceptation des cartes de débit et de crédit au pays.

Consultez le rapport de la Banque du Canada