Avis de gros temps pour le commerce maritime international à l’entame de cette année 2024 : les attaques des rebelles houthis en mer Rouge produisent une remontée brutale des taux de fret, couplée à un début de désorganisation des chaînes logistiques.

Depuis la mi-décembre, la plupart des grosses sociétés maritimes internationales ont décidé de dérouter leurs navires pour éviter le passage par le canal de Suez, par lequel transite habituellement 12 % du commerce mondial.

Les vaisseaux contournent désormais l’Afrique en passant par le cap de Bonne-Espérance, ce qui rallonge le voyage entre l’Asie et l’Europe de 10 à 20 jours en moyenne, selon Arthur Barillas, directeur général d’Ovrsea, un commissionnaire de transport.

Les sociétés maritimes ont déjà annoncé des hausses de tarifs importantes pour couvrir les frais liés à ce détour. CMA-CGM a doublé le prix d’un conteneur de 40 pieds entre l’Asie et la Méditerranée (de 3000 $ à 6000 $ US, soit entre 4000 $ et 8000 $ CAN).

Même chose pour le leader du secteur, l’italo-suisse MSC, dont les tarifs sont passés de 2900 $ US à 5900 $ US pour le transport d’un conteneur de 40 pieds sur le même trajet.

Les attaques des rebelles houthis en mer Rouge – 23 depuis le 19 octobre, selon l’armée américaine – en représailles des bombardements israéliens sur Gaza ont conduit à ces soudaines hausses de tarifs, mais pas seulement.

« Il y a un vrai afflux en provenance d’Asie », explique M. Barillas. Jusqu’au Nouvel An chinois, le 10 février, « tous les bateaux sont pleins », assure-t-il.

Les clients se pressent de faire acheminer leurs marchandises avant ces célébrations qui mettent le pays, premier exportateur mondial, à l’arrêt pendant une semaine.

Face à cela, « la concurrence réagit de manière uniforme. Il y a 10 compagnies qui se partagent 80 à 90 % du volume [de marchandises] transporté et toutes affichent des taux très élevés, car les bateaux sont pleins », souligne-t-il.

L’un des indicateurs de référence pour mesurer le taux (tarif) de fret des marchandises acheminées depuis la Chine, le Shanghai Containarized Freight Index (SCFI), a quasiment doublé en quelques semaines.

Une hausse aussi brutale rappelle les années de COVID-19, au cours desquelles les taux de fret avaient atteint des niveaux inédits dans l’histoire du transport maritime international en raison de la désorganisation des chaînes logistiques.

Cependant, « tout le monde ne paie pas le double. Seulement quelques-uns », assure Niels Rasmussen, analyste en chef pour BIMCO, principale association mondiale de transporteurs maritimes.

En effet, la plupart des entreprises ne paient pas les taux « spot », mais ont des contrats de long terme avec les grandes sociétés maritimes. « Si vous regardez le tarif moyen pour tout ce qui sort de Chine et passe par la majeure partie de l’Europe et de la Méditerranée, vous constaterez que l’augmentation est de 15 à 20 % », précise M. Rasmussen.

Élections à Taïwan

Les professionnels constatent aussi une pénurie de conteneurs en Asie en raison de la durée plus longue des voyages.

Pour autant, « les transporteurs sont bien mieux armés pour gérer opérationnellement ces déroutements comparés aux perturbations observées durant la pandémie », affirme la plateforme israélienne de réservation et de paiement de fret Freightos dans sa note hebdomadaire.

Les entreprises ont en effet utilisé les profits faramineux engrangés en 2021 et en 2022 pour acheter des centaines de nouveaux bateaux qui commencent à être livrés.

Les attaques en mer Rouge ne sont pas les seules à troubler le commerce international. La sécheresse historique qui frappe le canal de Panamá, obligeant les autorités à ralentir le transit et les navires à patienter plus longtemps avant de pouvoir l’emprunter, perturbe aussi les échanges.

Surtout, les transporteurs scrutent avec attention l’issue des élections présidentielle et législatives à Taïwan, prévues le 13 janvier, de peur d’une autre crise impliquant la Chine dans la région.