(Pékin) La Chine a connu en 2023 la croissance la plus faible depuis trois décennies hors période de COVID-19, au moment où une crise dans l’immobilier et les incertitudes économiques fragilisent la reprise pour la deuxième puissance mondiale.

Le géant asiatique, pénalisé par trois années de restrictions sanitaires contre la COVID-19, a levé ces mesures fin 2022, ce qui a largement permis à son économie de repartir au début de l’année dernière.

Mais le rebond s’est essoufflé et bute sur plusieurs obstacles, dont une confiance morose des ménages et des entreprises, qui pénalise la consommation.

Une crise inédite dans l’immobilier, un chômage élevé chez les jeunes et le ralentissement mondial grippent également des moteurs traditionnels de la croissance chinoise.

Dans ce contexte, le pays a malgré tout vu en 2023 son produit intérieur brut (PIB) croître de 5,2 % sur un an, a annoncé mercredi le Bureau national des statistiques (BNS).

Cette performance est supérieure à l’objectif « d’environ 5 % » fixé l’an dernier par le gouvernement.

Ce rythme, qui ferait bien des envieux dans la plupart des grandes économies, n’en reste pas moins le plus faible pour la Chine depuis 1990 (3,9 %), hors période de COVID-19.

En revanche, entre le troisième et le quatrième trimestre, comparaison plus fidèle de la conjoncture, le rythme est bien plus modeste (1 %).

« Reprise décevante »

« L’an dernier, la Chine a connu la reprise la plus décevante imaginable. Mais c’est néanmoins une reprise », relève l’analyste Shehzad Qazi, du cabinet d’études China Beige Book, soulignant qu’un soutien plus robuste à l’activité sera nécessaire en 2024.

L’an dernier, « promouvoir le développement » de l’économie a été « une tâche ardue », a admis devant la presse un responsable du BNS, Kang Yi.

En décembre, les ventes au détail, indicateur clé de la consommation des ménages, ont ainsi ralenti (7,4 % sur un an), après une nette accélération en novembre (10,1 %).

Des analystes sondés par l’agence Bloomberg tablaient sur un ralentissement moins prononcé (8 %).

De son côté, la production industrielle a légèrement accéléré en décembre (6,8 % sur un an), après une hausse de 6,6 % un mois plus tôt.

Quant au taux de chômage, il a légèrement augmenté en décembre à 5,1 %, contre 5 % en novembre. Il était de 14,9 % chez les 16-24 ans, selon un nouveau critère qui exclut désormais les étudiants, après un niveau record en mai.

Le taux de chômage dresse toutefois un tableau incomplet de la conjoncture, car il n’est calculé que pour les seuls travailleurs urbains.

Il exclut de fait des millions de travailleurs migrants des zones rurales, une population plus vulnérable au ralentissement économique et dont la situation est aggravée par la crise de l’immobilier.

Ce secteur a longtemps représenté au sens large plus du quart du PIB de la Chine et constituait un important vivier d’emplois.

Immobilier en souffrance

L’immobilier souffre depuis 2020 d’un durcissement par Pékin des conditions d’accès au crédit pour les promoteurs immobiliers, afin de réduire leur endettement.

Les déboires financiers de groupes emblématiques (Evergrande, Country Garden…) alimentent depuis la défiance des acheteurs, sur fond de logements inachevés et de chutes des prix du mètre carré.

Les mesures de soutien de Pékin au secteur immobilier n’ont eu pour le moment que peu d’effets.

En décembre, les principales villes de Chine ont de nouveau enregistré une baisse des prix de l’immobilier sur un mois, selon les chiffres du BNS.

Sur 70 villes qui composent l’indicateur officiel de référence, 62 étaient ainsi concernées (contre 33 en janvier 2023, signe de dégradation de la situation).

« La chute est particulièrement significative » dans les petites et moyennes villes, soulignent dans une note les analystes de la banque d’affaires Goldman Sachs.

L’achat d’un bien a longtemps été perçu par les Chinois comme un investissement sûr pour l’épargne. La baisse du prix de la pierre est un coup dur pour leur portefeuille.

« Un soutien plus ferme aux promoteurs pourrait apaiser les inquiétudes » sur leur santé financière et faire repartir ce secteur crucial, indique à l’AFP Michelle Lam, économiste pour la banque Société Générale.

Éminemment politique et sujet à caution, le chiffre officiel du PIB de la Chine n’en reste pas moins très scruté, compte tenu du poids du pays dans l’économie mondiale.

Cette année, la Chine devrait voir la croissance de son PIB ralentir à 4,5 %, selon des prévisions de la Banque mondiale.

« Les principaux obstacles restent les dysfonctionnements du secteur immobilier et le faible niveau de consommation des ménages qui en découle », souligne Teeuwe Mevissen, analyste chez RaboBank.

Le gouvernement doit annoncer l’objectif officiel en mars.