Quand on regarde les chiffres, il y a de quoi se réjouir. L’économie américaine vient de traverser une année périlleuse avec succès. L’inflation recule, le taux de chômage est à un niveau historiquement bas et des baisses de taux d’intérêt sont en vue.

Même le prix de l’essence, qui influence beaucoup l’humeur des Américains, est à son plus bas en deux ans. Et les marchés boursiers exultent. Mais le citoyen américain moyen, lui, estime que ça va mal.

Mais pourquoi donc les Américains sont-ils si pessimistes au sujet de leur super économie ?, se demandait récemment le magazine The Economist.

Bonne question. Malgré l’inflation et les hausses de taux d’intérêt, l’économie américaine a continué de croître à un bon rythme et sa performance s’annonce meilleure en 2023 qu’en 2022. La création d’emplois dépasse les attentes et les salaires augmentent à un rythme supérieur à l’inflation.

Les États-Unis vont probablement réussir un exploit, celui d’avoir traversé une période de forte inflation sans récession.

L’indice de confiance des consommateurs publié chaque mois par l’Université du Michigan est considéré comme un bon baromètre du moral des ménages. Il a augmenté en janvier pour le deuxième mois consécutif, mais il demeure à des niveaux historiquement bas.

Sondage après sondage, une forte proportion de la population américaine estime que ça va mal. Beaucoup croient que l’économie est en récession et que le taux d’inflation augmente, alors qu’il est en baisse. Les trois quarts des Américains ont une opinion négative de l’économie, selon un récent sondage du Financial Times et de l’Université du Michigan.

Cette dichotomie dans la perception des Américains au sujet de l’économie n’est pas nouvelle, mais elle s’accroît, selon les nombreuses recherches menées sur le sujet, dont celles de l’Université Harvard.

Toutes sortes de raisons peuvent être avancées pour expliquer le phénomène. La façon dont l’actualité est rapportée en est une. Ce qui va mal fait plus souvent les manchettes que ce qui va bien. Les risques de récession sont évoqués plus souvent qu’ils ne se matérialisent, et on peut comprendre qu’à force d’en entendre parler, beaucoup de gens finissent par penser que c’est une réalité.

De même, les annonces de mises à pied sont beaucoup plus publicisées que les embauches et elles contribuent à alimenter les perceptions négatives des consommateurs, même quand le taux de chômage est bas et que l’économie crée des emplois.

Les sondages reflètent aussi ce que vivent les ménages. En période d’inflation, ce qui importe, ce sont les prix qu’on paie à l’épicerie et dans les magasins, pas un indice des prix à la consommation composé d’un panier de biens et de services qui se veut représentatif, mais qui est différent d’une famille à l’autre. Comme les prix de l’alimentation, qui touchent tout le monde, ont augmenté plus vite et de façon plus importante que le taux moyen d’inflation, il est facile de conclure que l’inflation est à la hausse même si ce n’est pas le cas.

Une polarisation croissante

Ce qui se passe ailleurs dans l’actualité, en dehors de la situation économique du pays, peut aussi accroître la perception négative de l’économie. Les fusillades ou les catastrophes climatiques peuvent ainsi jouer sur la confiance du consommateur et sur sa perception de la réalité économique. Cette déconnexion entre le perçu et le réel n’est pas propre aux États-Unis.

Chez nos voisins du Sud, la politique joue toutefois un rôle de plus en plus important dans l’évaluation de la santé de l’économie. La polarisation et la désinformation amplifient la déconnexion. Ainsi, malgré les chiffres qui disent le contraire, les partisans de l’ancien et peut-être prochain président des États-Unis sont convaincus qu’il y avait plus d’investissements, plus d’emplois et que l’économie se portait mieux avant l’élection de Joe Biden.

Lisez l’article « Why are Americans so displeased with the economy ? » (en anglais) Lisez l’article « We’ll gather together — even though everything seems so much more expensive » (en anglais)