La bataille contre l’inflation est en voie d’être gagnée dans la plupart des pays du monde, surtout à cause des hausses de taux d’intérêt qui ont freiné la croissance économique. L’inflation pourrait toutefois faire un retour brutal par des canaux imprévus. Ceux de Suez et de Panamá.

Les attaques des rebelles houthis en mer Rouge en appui au peuple palestinien, qui devaient être un contretemps temporaire, durent depuis deux mois et sont en train de paralyser le commerce mondial.

L’Organisation des Nations unies a sonné l’alarme la semaine dernière. Le volume de marchandises qui transitent par le canal de Suez est en baisse de 42 % depuis le début des hostilités, a relevé la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED).

Les géants du transport maritime Maersk et Hapag-Lloyd évitent la zone et ont préféré faire passer une partie de leur flotte par l’Afrique et le cap de Bonne-Espérance. La société pétrolière BP a aussi suspendu temporairement ses expéditions qui empruntent cette route maritime.

Le canal de Suez est une autoroute par laquelle transite environ 15 % du commerce mondial. Il est le principal lien maritime entre l’Europe et l’Asie. Le détour par le cap de Bonne-Espérance allonge de trois semaines et de plusieurs millions de dollars le voyage d’un cargo.

Le blocage du canal de Suez survient alors que l’autre voie principale du commerce international, le canal de Panamá, fonctionne au ralenti en raison de la sécheresse. De 38 par jour, le nombre de navires qui transitent par le canal de Panamá a dû être réduit à 30 et pourrait diminuer encore si le niveau de l’eau ne remonte pas.

Ces perturbations ont fait monter en flèche le coût du transport de marchandises. Depuis le début du mois de décembre, les tarifs de transport de conteneurs entre l’Europe et l’Asie ont augmenté de 256 %. L’impact est généralisé : même si les navires qui font la route entre l’Asie et les États-Unis ne passent pas par le canal de Suez, les coûts de transport sont en hausse de 162 % sur ce trajet.

Un effet domino

Le coût du transport par conteneurs n’atteint pas le niveau stratosphérique qu’il affichait pendant la pandémie, mais toute la chaîne d’approvisionnement mondiale ressentira les effets de l’augmentation des coûts du transport maritime sous toutes ses formes. Les assurances, le carburant supplémentaire et les retards de livraison s’ajouteront à la facture.

Comme 80 % des marchandises dans le monde sont transportées par la voie maritime, des impacts à la hausse sont à prévoir sur le prix d’un grand nombre de biens, dont les produits alimentaires de base.

À plus court terme, l’inflation pourrait réapparaître avec l’augmentation des prix du pétrole, qui se répercute sur le coût d’à peu près tous les biens et services consommés dans le monde.

C’est une sérieuse menace pour les banques centrales, qui s’apprêtent à célébrer leur victoire sur l’inflation et laissent flotter la possibilité d’une baisse prochaine des taux d’intérêt.

Jusqu’à maintenant, les attaques des rebelles houthis contre des navires marchands dans la mer Rouge n’ont pas fait dévier la trajectoire à la baisse de l’inflation, du moins pas de ce côté-ci de l’Atlantique, a indiqué la semaine dernière le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem.

La Banque du Canada a toutefois mis les hostilités en cours dans la mer Rouge et le conflit entre Israël et le Hamas en haut de sa liste des risques qui pourraient faire dérailler ses plans. « Si ce conflit devait s’étendre, les cours du pétrole pourraient grimper en flèche et les prix des biens échangeables s’accroître de façon importante », prévient la banque centrale dans son Rapport sur la politique monétaire.

Si ça arrive, les baisses de taux tant espérées pourraient se faire attendre plus longtemps.