(Ottawa) La Banque du Canada ne sera pas pressée de réduire les taux d’intérêt après que Statistique Canada a annoncé un gain d’emplois plus important que prévu le mois dernier, affirment des économistes.

L’enquête sur la population active de l’agence fédérale publiée vendredi indique que l’économie a créé 37 000 emplois en janvier après des mois de quasi-absence de changement dans l’emploi.

Le taux de chômage au Canada a glissé de 0,1 point de pourcentage, à 5,7 % le mois dernier, marquant la première baisse depuis décembre 2022. Au Québec, l’emploi a peu varié pour le quatrième mois consécutif en janvier et le taux de chômage a atteint 4,5 %, en baisse de 0,2 point de pourcentage.

« Je dirais que le marché du travail est plus tendu que prévu, mais pas nécessairement plus fort que prévu, a affirmé Andrew Grantham, directeur des affaires économiques à la CIBC. C’est parce que, certes, l’emploi a continué à augmenter un peu plus vite que prévu par le consensus. Mais cela n’est vraiment rien en comparaison de la forte augmentation de la population. »

La population canadienne âgée de 15 ans et plus a augmenté de 0,4 % entre décembre et janvier, dépassant de loin la croissance de 0,2 % de l’emploi.

Le marché du travail s’est considérablement refroidi en 2023, les taux d’intérêt élevés ayant pesé sur les dépenses de consommation et les investissements des entreprises, faisant grimper le taux de chômage au pays de 5,1 % en avril à 5,8 % en décembre.

Même si le rapport sur l’emploi comporte quelques éléments plus faibles, l’état relativement bon du marché du travail suggère aux économistes que la banque centrale peut prendre son temps lorsqu’il s’agit de réduire les taux d’intérêt.

« Les données d’aujourd’hui ne vont certainement pas accélérer le calendrier de la Banque du Canada », a déclaré M. Grantham.

La CIBC ne modifie pas ses prévisions quant au calendrier de la première réduction des taux, car elle prévoit toujours que la banque centrale abaissera son taux directeur à partir de juin. Mais elle s’attend désormais à ce que la banque réduise globalement ses taux dans une moindre mesure cette année.

Même son de cloche chez Desjardins qui s’attend à ce que la Banque du Canada commence à réduire son taux directeur au deuxième trimestre de 2024. « Nous sommes toujours d’avis qu’il faudra une politique monétaire moins restrictive, puisque les consommateurs et les entreprises du pays ressentent de plus en plus durement les effets des hausses antérieures des coûts d’emprunt. En ce début d’année, il est toutefois indéniable que la forte croissance de la population et des salaires accentue les risques de hausse de l’inflation », estime Marc Desormeaux, économiste principal chez Desjardins.

Les salaires poursuivent sur leur élan

Les salaires des travailleurs ont continué de croître rapidement le mois dernier alors que les Canadiens cherchent à obtenir une compensation pour l’inflation passée. Le salaire horaire moyen, qui a augmenté de manière constante à un rythme annuel de 4 à 5 %, a fait un bond de 5,3 % par rapport au même mois de l’année dernière.

Ces hausses toujours vigoureuses des salaires sur 12 mois nuisent aux efforts visant à maîtriser l’inflation, selon Desjardins. « La Banque du Canada suit de près les salaires des employés permanents pour mesurer les signes de transmission de leurs augmentations à l’inflation. La progression d’une année sur l’autre s’est avérée plus modeste en janvier qu’en décembre, mais elle met encore en évidence le risque de rigidité dans la croissance des salaires que la Banque du Canada a souligné dans sa récente annonce de taux et que celle-ci continuera de suivre de près », souligne Marc Desormeaux.

Statistique Canada affirme que la croissance des salaires a été plus forte pour les femmes et les salariés à revenu élevé. Bien que les hommes continuent de gagner en moyenne plus que les femmes, le salaire horaire moyen des femmes a augmenté de 6,2 %, contre 4,4 % pour les hommes.

Pour les employés situés dans les 25 % supérieurs de l’échelle salariale, leurs salaires ont augmenté de 5,9 %, contre 4,6 % pour ceux situés dans les 25 % inférieurs.

Le marché du travail canadien a été soutenu par une forte croissance démographique, tirée par l’immigration permanente et temporaire.

Par rapport à l’année dernière, l’économie a créé 345 000 emplois, tandis que la population en âge de travailler a augmenté de 1 million de personnes.

Alors que la Banque du Canada maintient son taux d’intérêt directeur à 5 %, les prévisions des économistes laissent croire que le chômage augmentera tout au long de cette année.