Les mauvaises nouvelles s’accumulent au Royaume-Uni. La maladie frappe la famille royale, l’économie vient de reculer pour le deuxième trimestre d’affilée et voilà que le thé disparaît des rayons des épiceries.

La BBC rapporte que Tetley, le géant britannique du thé, suit ses approvisionnements au jour le jour et que des tablettes vides de la précieuse boisson sont apparues dans les supermarchés Sainsbury’s.

La situation est peut-être temporaire, mais elle peut aussi présager un nouveau dysfonctionnement des chaînes mondiales d’approvisionnement qui sont en grande partie responsables de la flambée d’inflation post-COVID-19.

Les difficultés d’approvisionnement en thé au Royaume-Uni résultent du blocage du canal de Suez par les rebelles houthis, en appui au peuple palestinien. Le conflit force les transporteurs maritimes à emprunter l’autre route du commerce international, celle qui passe par le cap de Bonne-Espérance. Ce détour allonge le trajet d’au moins 10 jours et retarde d’autant les livraisons de marchandises, dont probablement le thé noir des Britanniques.

Le détour génère aussi des coûts supplémentaires pour les transporteurs, en salaires, en carburant ou en assurance, qui prendront un certain temps à apparaître dans le prix des marchandises. Les transporteurs signent des contrats à long terme avec leurs clients, ce qui explique que le conflit en mer Rouge n’ait pas encore eu d’impact majeur sur les prix. L’effet sur le taux d’inflation est décalé.

Si le conflit perdure, le taux d’inflation repartira à la hausse dans la plupart des pays industrialisés dont l’économie dépend du bon fonctionnement des chaînes mondiales d’approvisionnement.

Le Canada n’y échappera pas, selon les économistes de Desjardins qui ont tenté d’estimer l’impact du blocage du canal de Suez sur le taux d’inflation en Europe, au Canada et aux États-Unis, selon trois scénarios possibles ⁠1.

Même si les coûts du transport maritime arrêtaient d’augmenter et restaient à leur niveau actuel, le taux global d’inflation augmenterait partout à cause de la pression sur les chaînes d’approvisionnement.

L’inflation se manifestera d’abord dans les prix à l’importation, avant de toucher les prix à la production et les prix à la consommation.

Le Royaume-Uni et les pays de la zone euro seront les plus touchés par les hausses de prix qui suivront inévitablement si les coûts du transport maritime ne reculent pas. Ces pays dépendent plus de la route commerciale qui passe par la mer Rouge que le Canada et les États-Unis, où une grande partie des marchandises est acheminée par les ports de la côte Ouest.

La « cuppa », comme disent les Anglais, coûtera plus cher. Le taux d’inflation au Royaume-Uni, qui est actuellement de 3,1 %, pourrait grimper à 3,7 % si les coûts de transport restent à leur niveau actuel et à 3,9 % s’ils continuent de grimper.

Au Canada, le taux global d’inflation augmenterait de 0,1 % dans les deux scénarios, soit le maintien des coûts de transport au niveau actuel ou une augmentation.

La bonne nouvelle, si on se fie à ces calculs, c’est que l’impact du conflit en mer Rouge ne fera pas flamber les taux d’inflation comme en 2021 et 2022.

La mauvaise, c’est que l’augmentation fulgurante des coûts du transport maritime et la détérioration des chaînes d’approvisionnement retarderont les baisses de taux d’intérêt tant attendues.

« Les baisses prévues des taux directeurs au Canada et ailleurs pourraient être retardées parce que les banques centrales voudront avoir une meilleure idée des risques que présentent la détérioration des chaînes d’approvisionnement et la hausse des coûts de transport », conclut l’étude de Desjardins.

Des baisses de taux au printemps ? C’est déjà écarté. L’été prochain ? Pas si sûr.

1. Consultez le document préparé par les économistes de Desjardins