En moins de cinq ans, les Canadiens ont rattrapé un retard creusé pendant une quinzaine d'années avec les Américains en ce qui concerne le revenu disponible réel (RDR) par personne.

Et au sortir de la présente récession, tout indique que le rattrapage canadien se transformera en avantage net, car le retour à la croissance reposera surtout sur les produits de base et les denrées dont le Canada est grand producteur et exportateur.La toute récente étude menée par Benjamin Tal, économiste chez CIBC, montre que le RDR - soit le revenu après impôt - a grimpé de 1300$US, aux États-Unis depuis 2005, alors qu'il a bondi du double au Canada, exprimé en monnaie locale.

«Si on mesure les deux progressions en dollars canadiens, on constate que le RDR au Canada par rapport à celui des États-Unis est revenu à la proportion du début des années 90.»

À l'époque, le RDR des Canadiens correspondait à un peu plus de 80% de celui des États-Unis. Au début de la décennie, il ne correspondait plus qu'à 56% car le dollar canadien n'a pas arrêté de se déprécier durant toute la période.

Depuis cinq ans, les Américains doivent surtout l'amélioration de leur RDR à un fardeau fiscal moins lourd, une embellie qui ne saurait perdurer avec les déficits budgétaires actuels de l'administration Obama.

M. Tal fait ressortir que le gain canadien est plutôt attribuable à des augmentations de salaire plus substantielles, à une plus forte création d'emplois et à une meilleure distribution sectorielle des nouveaux emplois. Aux États-Unis, le nombre d'emplois bien rémunérés a diminué de 4%, alors qu'il a grimpé de 4,5% au Canada. Bref, la croissance de l'emploi était moins concentrée dans les macjobs de ce côté-ci de la frontière.

M. Tal reconnaît enfin que la présente récession a fait reculer de 2% le RDR au Canada, mais cela ne saurait faire oublier l'élan des dernières années stimulé par le boom du prix des ressources en voie de terminer sa correction. «Cela suggère que dans l'après-récession, les Canadiens vont continuer de toucher des chèques de paye plus gros que leurs voisins du Sud.»

Cela paraît d'autant plus vrai que l'augmentation de la population mondiale de 70 millions de personnes par année stimulera la production céréalière et l'utilisation massive d'engrais, selon un récent rapport d'Angelo Katsoras, et de Pierre Fournier, associé principal et analyste géopolitique à la Financière Banque Nationale. Or, le Canada est troisième exportateur de céréales mondial derrière les États-Unis et l'Europe des 27. Qui plus est, il dispose de 6% des réserves d'eau potable, alors que sa population ne représente que 0,5% de l'humanité. «Attendons-nous à un transfert de la production agricole dans les pays qui détiennent des surplus d'eau», prédisent les auteurs. Cela est d'autant plus probable que le Canada est aussi un très grand producteur de potasse, l'engrais le plus recherché.

L'analyste Don Coxe de Chicago, rattaché à BMO Marchés des capitaux, croit que la croissance du prochain cycle sera dominée par le Brésil, la Chine et l'Inde, ce qui avantage des producteurs de ressources comme l'Australie et le Canada. «Leurs économies et leurs marchés boursiers sont les gagnants patents de la croissance soutenue de la demande de produits de base tributaire de la forte expansion des trois grandes puissances émergentes», prétend-il dans la dernière livraison de sa circulaire Basic Points.

C'est sans doute vrai, mais la reprise n'est pas encore là, prévient l'équipe d'économistes de Desjardins. Nous traversons plutôt les derniers moments de la récession. «Au Canada, plusieurs signaux pointent vers une reprise, notent-ils dans le dernier numéro du Point de vue économique. Ceux-ci ne garantissent pas quand elle aura lieu: peut-être dans trois mois, peut-être dans neuf mois.»