Comme psychiatre et psychothérapeute spécialisé en stress au travail, Christophe Bagot connaît bien ce grand mal du XXIe siècle. Il en a tiré un livre: L'empire du stress, publié aux Éditions de l'Homme.

Vos horaires ne sont pas flexibles. Vous avez l'impression que votre vie personnelle est envahie par le travail. Que plus de 50% de vos tâches sont à faire dans l'urgence. Que votre rôle professionnel est flou. Que votre entreprise vous traite mal. Vous sentez que vous en avez trop sur les épaules avec le travail et la famille. Vous avez un sentiment général d'insécurité par rapport à votre emploi.

Si vous vous reconnaissez dans quelques-unes de ces affirmations, il se pourrait que vous viviez un grand stress au travail. Vous trouverez une liste plus étoffée de sources de stress dans L'empire du stress, écrit par Christophe Bagot en collaboration avec sa cousine Laurence Bagot, coach spécialisée dans l'accompagnement de dirigeants.

«En France comme au Québec et ailleurs, le stress est très présent. Si vous n'êtes pas directement touché par le stress, mais que votre conjoint l'est, vous en subirez aussi les conséquences», affirme Christophe Bagot joint à Paris par La Presse.

Pourquoi tant de stress?

Dans les sociétés occidentales, le stress accable bon nombre de travailleurs et les conséquences sont nombreuses.

On retrouve dans cet ouvrage différents tests élaborés par des scientifiques, notamment pour mesurer son stress et évaluer si on est en situation d'épuisement professionnel. On y trouve aussi une foule de statistiques.

Par exemple, pour l'ensemble des pays industrialisés, le coût du stress représenterait de 3% à 4% du produit intérieur brut. Pour le Canada, le coût des pertes liées au stress en milieu de travail s'élevait à 12 milliards en 2000.

M. Bagot remarque que ce qui n'aide pas les gens à s'affranchir du stress, c'est la peur de perdre leur emploi.

«Lors du totalitarisme en Russie, les gens avaient peur de parler parce qu'ils craignaient d'être envoyés au goulag. Dans les sociétés occidentales avec l'état perpétuel de crise et le chômage, les gens ont peur de perdre leur emploi. C'est une structure d'anxiété différente, mais cela limite tout de même la liberté des gens. Le travail envahit de plus en plus la vie personnelle. On évolue essentiellement dans un univers professionnel et il n'y a plus réellement d'espace démocratique parce que les gens ont peur.»

Dans un tel contexte, le psychothérapeute remarque que le stress ne peut qu'être toujours plus important. Parmi les situations de stress classique, Christophe Bagot pense à la femme qui est à la fois maman et employée.

«Elle doit d'abord lutter pour avoir les mêmes conditions que les hommes. Ensuite, elle doit se départager entre sa vie de mère et sa vie d'employée, alors que les hommes en font encore moins que les femmes à la maison. Les femmes ont la pression de bien faire partout», affirme le psychiatre et psychothérapeute qui a travaillé en entreprise au Québec et en France avant de se tourner vers la pratique privée.

Passer à l'action

Christophe Bagot souhaite que la lecture de son livre permette aux lecteurs de se situer par rapport au stress.

«Je veux aider les gens à mettre des mots sur les maux dont ils souffrent. Je veux atteindre les gens qui ne consultent pas, faire en sorte qu'ils se sentent moins seuls. Je souhaite que la lecture de ce livre soit en quelque sorte un premier pas thérapeutique», explique-t-il.

M. Bagot croit qu'une personne peut poser des gestes pour se protéger elle-même, mais jusqu'à un certain point.

«Le problème du stress est systémique, donc nous sommes tous concernés. C'est évident que la haute direction d'une entreprise a plusieurs possibilités entre ses mains pour changer les choses de façon importante», affirme-t-il.

Il donne l'exemple des courriels reçus par les employés.

«Un salarié peut décider de ne pas répondre à ses courriels en soirée, mais si tous ses collègues les prennent, il aura de la difficulté à le faire. Par contre, si la direction de l'entreprise dit clairement aux employés de ne pas répondre aux courriels une fois qu'ils ont quitté le boulot, ce sera beaucoup plus facile de le faire.»

Christophe Bagot refuse toutefois de donner des réponses toutes faites pour vaincre le stress.

«J'ai un point de vue de psychothérapeute, précise-t-il. Je donne des outils aux gens, mais ils doivent par la suite trouver comment faire pour se sortir de là. Souvent, les gens ont des idées de ce qu'ils doivent faire pour diminuer leur stress, mais ils ne passent pas à l'action. Je souhaite que ce livre rende les personnes actives dans leur démarche contre le stress.»