En butte à «l'hostilité» de Philippe Couillard, Pétrolia s'adresse aux tribunaux pour forcer notamment Ressources Québec, une filiale d'Investissement Québec, à investir ce qui était prévu pour le projet d'exploitation des hydrocarbures à l'île d'Anticosti.

L'entreprise québécoise demande entre autres le versement d'une somme totale de 12,8 millions $ et la destitution de deux administrateurs, dont celui de Ressources Québec.

La demande d'injonction devait être entendue lundi par la Cour supérieure au palais de justice de Montréal, mais l'audience aura plutôt lieu mercredi matin. C'est un autre épisode dans les frictions entre Pétrolia et le gouvernement Couillard, qui sont partenaires dans l'aventure par l'entremise d'une coentreprise, Hydrocarbures Anticosti.

Ainsi, après avoir réclamé la délivrance plus rapide des certificats d'autorisation plus tôt cette année, Pétrolia attend maintenant le financement, sur fond de guerre ouverte au conseil d'administration d'Hydrocarbures Anticosti.

Elle reproche à Ressources Québec et à un autre partenaire, Saint-Aubin E & P, une filiale de la société française Maurel & Prom, de ne pas respecter leur engagement d'investir 100 millions $ pour financer le programme de travaux exploratoires.

Rappelons que Pétrolia et Corridor Resources avaient cédé leurs droits et permis d'exploration sur Anticosti en échange de cet investissement, en vertu d'une entente conclue en 2014 avec le précédent gouvernement péquiste de Pauline Marois.

Dans l'introduction de la demande en injonction, Pétrolia soutient que «le projet s'est soudainement heurté, à compter de décembre 2015, à l'hostilité de (...) Philippe Couillard, qui a entrepris, de façon impromptue de faire de l'avortement du projet un objectif recherché», peut-on lire.

«(M. Couillard) a multiplié les déclarations négatives et préjudiciables à propos du projet et a notamment annoncé l'intention de son gouvernement de dicter le travail et les décisions des fonctionnaires responsables de l'analyse et de la disposition des demandes d'autorisation requises à sa poursuite», ajoute l'entreprise.

«Il est clair que l'opposition de l'honorable Couillard est d'abord et avant tout idéologique», soutient la requête, alors qu'on peut lire plus loin: «le chef du gouvernement a transmis une instruction limpide et impérative à ses commettants: le projet ne doit pas se poursuivre ni se réaliser sous sa gouverne».

Pétrolia en déduit que dès lors, Ressources Québec est devenu «l'outil de neutralisation du projet» pour se conformer à la volonté du gouvernement libéral, notamment en bloquant l'adoption du budget d'exploitation annuel d'Hydrocarbures Anticosti, ce qui empêche ainsi le début des travaux d'exploration cet été.

Le calendrier des dépenses prévoyait que les coûts devaient être pris en charge à 55 % par Ressources Québec, et à 45 % par Saint-Aubin E & P, mais rien n'a encore été versé, a expliqué mardi une source proche du dossier, qui n'a pu toutefois préciser les montants en cause.

Ces sommes sont dues et Pétrolia est en droit de les réclamer en vertu de l'entente, a poursuivi cette source. L'entreprise demande au tribunal une ordonnance qui forcerait Ressources Québec et Saint-Aubin à verser à Hydrocarbures Anticosti respectivement 7,26 millions $ et 5,55 millions $.

L'entreprise demande aussi la destitution de l'administrateur représentant Ressources Québec et de celui représentant Saint-Aubin E & P.

«Sans l'intervention du tribunal, tout le projet est mis en péril et des dizaines d'emplois directs et des centaines d'emplois indirects seront perdus», peut-on lire dans la demande d'injonction.

Le programme d'exploration actuellement en cours sur l'île d'Anticosti vise à déterminer et à valider avec précision le potentiel de cette île en hydrocarbure.

Les trois forages ont été permis en juin par la voie de quatre certificats d'autorisation du ministère de l'Environnement. L'entreprise, qui avait déposé sa demande en février, a soutenu que le ministère s'était pourtant engagé à répondre avant la fin d'avril. Aussitôt autorisés, les forages ont suscité une autre controverse, puisqu'ils nécessiteront le pompage de 30 millions de litres d'eau à même des rivières à saumon.

Depuis sa participation à la Conférence internationale sur les changements climatiques des Nations unies à Paris en décembre 2015, le premier ministre Philippe Couillard ne cesse de se dissocier du projet d'exploitation des hydrocarbures sur Anticosti.

Il a répété à plusieurs reprises que ce n'était pas sa décision, mais bien celle du gouvernement péquiste précédent, mais que le gouvernement allait honorer le contrat. Il a aussi exprimé des doutes sur la viabilité économique du projet ainsi que des inquiétudes sur les conséquences écologiques de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures sur cette vaste île du Saint-Laurent.

En mai, Maurel & Prom avait d'ailleurs laissé entendre qu'elle comptait se retirer du projet si le Québec refusait d'envisager l'exploitation des ressources sur l'île.