Crise économique. Meilleures conditions de vie. Nouveaux défis... Autant de raisons pour des millions de travailleurs de chercher du boulot à l'étranger. Aussi, jamais la mobilité internationale de la main-d'oeuvre n'a été aussi répandue, selon une étude. Et le phénomène s'accélère.

Ils sont 240 millions dans le monde cette année à migrer vers un autre pays, soit environ 50 millions de plus ("26%) qu'il y a 10 ans. Or, la mobilité des travailleurs - qui a déjà atteint un niveau historique - va encore augmenter de 50% au cours de la décennie à venir, affirme une étude de la firme PricewaterhouseCoopers (PwC).

Le cabinet-conseil a fait une enquête auprès de 900 entreprises de par le monde. Les résultats compilés en février confirment un phénomène important: plus que jamais, le monde a la bougeotte. Fait notable, les femmes sont particulièrement portées à faire leur valise pour dénicher un emploi. La proportion des femmes, parmi les talents mobiles, a doublé en 10 ans à 20% et atteindra 27% à l'horizon 2020, toujours selon PwC.

La crise économique déclenchée en 2008, devenue particulièrement sévère en Europe, a certes pour effet d'inciter au déménagement. Mais l'alignement graduel des salaires d'un pays à l'autre favorise aussi la mobilité. Si bien que les employeurs occidentaux, qui offrent généralement de meilleures conditions de travail, vont perdre progressivement cet avantage au profit des pays émergents où les salaires augmentent rapidement - surtout en Chine.

À l'horizon 2020, dans un paysage démographique transformé, la mobilité se jouera donc à plusieurs niveaux. «Une entreprise chinoise pourra recruter une équipe européenne pour piloter son développement en Afrique», illustrent les auteurs de l'étude.

Cap sur les pays riches

PwC note cependant que, pour le moment, les pays émergents en forte croissance suscitent moins d'intérêt qu'on pourrait le croire.

Si 70% des jeunes diplômés interrogés veulent travailler à l'étranger, la moitié (53%) se dit prête à s'installer dans un pays moins développé. Et seulement 11% accepteraient de travailler en Inde et 2% en Chine continentale.

Sans surprise les États-Unis et le Royaume-Uni demeurent les destinations privilégiées des migrants. Et en fouillant un peu dans les données démographiques, on découvre que les pays «riches» profitent grandement du phénomène migratoire des travailleurs. En voici un aperçu sur trois continents.

Construire et conduire sa BMW

En Europe, l'Allemagne est une destination de plus en plus prisée des travailleurs étrangers. Un demi-million de migrants ont débarqué au pays des BMW et des Mercedes durant les neuf premiers mois de 2012, indiquent les chiffres officiels, alors qu'en 2008, le solde migratoire allemand était négatif. Quelque 26 000 Grecs font partie de cette meute, ainsi que 150 000 Polonais, 92 000 Roumains, 46 000 Bulgares... Bref, les économies amochées alimentent en travailleurs la première économie européenne.

Et Berlin en veut plus. Le gouvernement vient d'adopter une loi facilitant l'immigration de main-d'oeuvre étrangère qualifiée pour pallier des pénuries de techniciens et de plombiers entre autres.

Le rêve américain

La semaine dernière, Washington a aussi pris acte du boom migratoire en améliorant la possibilité pour les étrangers qualifiés de demander des visas temporaires. Le secteur des hautes technologies se plaint de manquer de travailleurs.

Le gouvernement a donc ouvert en mars les procédures de demande pour les visas H-1B, réservés aux immigrants très qualifiés: il en a prévu 65 000. Or, la demande est telle que, selon des médias américains, les employeurs ont atteint ce quota en quelques jours seulement.

L'économie américaine crée annuellement 120 000 emplois technologiques, selon le géant Microsoft. Mais les États-Unis ne produisent que 51 000 diplômés par an dans ce domaine.

Les géants coréens attirent

En Asie, l'une des destinations en vogue pour les migrants est la Corée du Sud.

Avec sa population vieillissante, le bastion des colosses industriels comme Samsung et Hyundai est passé d'un pays exportateur de main-d'oeuvre à un pays dépendant des travailleurs étrangers. Le nombre d'immigrants en Corée du Sud - 11e économie mondiale - a été multiplié par 7(!) à 1,5 million, depuis l'an 2000. Ceux-ci représentent 2,8% de la population, mais cette proportion atteindrait 6% en 2030, prédit Séoul. La Corée du Sud prévoit accueillir 62 000 travailleurs peu qualifiés cette année, un record.

En somme, les portes s'ouvrent un peu partout sur la planète. À preuve: la capacité d'attirer une main-d'oeuvre qualifiée est devenue un enjeu vital pour les économies les plus dynamiques.

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240 millions

Nombre de migrants dans le monde annuellement, soit une hausse de 26% en 10 ans.

2%

Proportion de jeunes diplômés qui seraient prêts à travailler en Chine continentale, selon un sondage international.