Tous les soirs, parfois même avant d'avoir pris le temps de souper, Ophélie Langevin remplit son énorme véhicule roulant de friandises glacées. Puis, avec sa petite soeur Ève, son chien Lilou et une armée d'amis et de «bénévoles», elle fonce vers le parc le plus près pour y vendre sa marchandise.

«Il faut arriver pour les matchs de soccer, explique la préado, dont le sens des affaires est particulièrement aiguisé. Quand les joueurs ont chaud, ils achètent beaucoup de crème glacée. On se met en plein milieu, alors ils n'ont pas le choix de nous voir.»

Ophélie Langevin se souviendra de l'été 2012 comme de celui de Crème Pops, l'entreprise sociale qu'elle a lancée au profit de la Fondation de l'Hôpital Pierre-Boucher.

«Ma soeur et moi, on est nées là, précise-t-elle. Alors je trouvais que c'était une bonne idée de les aider.»

Crème Pops est l'aboutissement d'un long processus qui a débuté un peu avant Noël, alors que la jeune Ophélie caressait un rêve qui n'a encore rien de philanthropique: posséder un iPod Touch.

Comment l'obtenir? Son cerveau s'est mis en branle. En parlant de son projet à gauche et à droite, l'idée de travailler pour gagner de l'argent a fait surface.

Mais il suffit de rencontrer Ophélie pour s'en convaincre: la jeune fille possède une force de persuasion peu commune. L'argent pour son iPod, elle finira par l'obtenir de ses proches. Mais l'idée de travailler, elle, reste.

Au printemps dernier, la jeune résidante de Sainte-Julie, sur la Rive-Sud, décide de passer à l'action.

«Je suis allée voir la Ville, mais ils m'ont dit que je ne pouvais pas travailler parce que je n'avais pas 14 ans. Mais ils m'ont aussi dit que si je travaillais pour une fondation, c'était correct.»

Forte de cette réponse, Ophélie élabore un plan: vendre de la crème glacée au profit de l'hôpital où elle a vu le jour.

Aidée de ses parents, tous deux entrepreneurs, elle monte un plan d'affaires, puis elle appelle la directrice générale de la Fondation de l'Hôpital Pierre-Boucher pour l'informer qu'elle veut amasser de l'argent pour elle.

«Imaginez ma surprise quand j'ai écouté son message sur ma boîte vocale. J'ai trouvé ça cute à mort, et tellement intéressant comme initiative!», raconte la directrice en question, Lyne Rowley.

Mme Rowley l'assure de son soutien. Mais pour vendre de la crème glacée, encore faut-il en avoir. Fortes d'un contact fourni par son grand-père, ancien d'employé de Nestlé, Ophélie et sa mère parviennent à assurer leur approvisionnement. Nestlé met aussi la jeune entrepreneure en contact avec Vitalinkevents, une firme torontoise qui accepte de lui prêter un triporteur pour l'été.

Une petite panique survient au moment où cinq palettes de produits congelés s'apprêtent à débarquer à Sainte-Julie: le congélateur familial est trop petit et ceux des épiceries environnantes sont pleins. C'est finalement l'entreprise Congébec qui acceptera d'entreposer gratuitement les délices glacés d'Ophélie.

Entre-temps, il faut trouver un logo, obtenir un permis de la Ville, s'entendre avec le ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation...

Les affaires, c'est dur...

«Moi, je pensais que j'allais juste avoir mon triporteur et me promener dans la rue pour vendre de la crème glacée. Je ne savais pas que ce serait aussi dur et qu'il faudrait rencontrer des gens, prendre des notes et tout», raconte Ophélie.

Elle en tire une leçon pleine de sagesse: «Quand quelque chose ne marche pas, il ne faut pas laisser tomber, et essayer autre chose.» Ne croyez pas cependant qu'une fois toutes les embûches surmontées, Ophélie Langevin a cessé d'échafauder des plans. Son cerveau continue de tourner à cent kilomètres à l'heure.

«Mettons que Crème Pops va bien, avance-t-elle. Peut-être que je pourrais aller voir les autres mairesses et maires pour faire ça dans d'autres villes?»

La crème glacée, de toute façon, n'est qu'un préambule. Celle qui rêvait d'abord de devenir agente de voyages a changé d'idée: le métier, a-t-elle observé, est menacé par l'internet. Ophélie s'est donc trouvé un nouveau créneau qui a le vent dans les voiles: le vin!

«Maintenant, je veux être sommelière, énonce-t-elle sous le regard franchement ébahi de sa mère. Je pourrais m'installer quelque part et devenir productrice de vin. Comme ça, en plus, j'aurais ma propre compagnie.»

Comme quoi la fibre entrepreneuriale ne s'acquiert pas toujours dans les écoles de gestion.