À quoi ressemblera le quotidien dans les tours de bureaux ? Préparez-vous à porter le masque dans les ascenseurs, à vous laver les mains 20 fois par jour et à vous contenter de sandwichs ou de salades le midi, les micro-ondes ayant été retirés des cafétérias.
Place Bonaventure a invité La Presse lundi à venir constater les mesures sanitaires mises en place pour assurer le retour sécuritaire des employés dans ses locaux de la rue De la Gauchetière, au centre-ville de Montréal.
« Il va bien falloir revenir au bureau un jour », dit Richard Hylands, un brin d’impatience dans la voix. Il préside la société Kevric, gestionnaire de l’immeuble de grand gabarit.
À ses yeux, le télétravail ne peut pas se généraliser.
« Avec le télétravail, tu peux maintenir tes activités, mais il n’y a pas de créativité. Il ne peut pas y avoir de nouvelles lignes d’affaires », dit-il en défendant ses intérêts.
C’est quoi la différence entre revenir cette semaine, à la fin de juillet ou en septembre ? Les défis sont les mêmes. Il suffit de bien se préparer.
Richard Hylands, président de la société Kevric
Qu’a fait Kevric au juste pour bien se préparer ? Contrôle d’identité à l’entrée, interception du courrier et des colis à l’attention des locataires au sous-sol, distribution de masques aux occupants, corridors à sens unique, signalisation sur le plancher, file d’attente à l’ascenseur comme à l’aéroport, port obligatoire du masque dans la cage d’ascenseur, utilisation des escaliers de secours au départ de l’immeuble, portes d’entrée des occupants verrouillées en permanence, ventilation des bureaux augmentée et agrandissement du stationnement réservé aux vélos.
« Personne ne veut être le premier »
La Place Bonaventure est fin prête au retour de ses occupants depuis le 25 mai.
Parmi ses principaux locataires figurent Telus, IBM, le gouvernement fédéral, BMO, Cogeco Média, Vidéotron, Regus et la Société de transport de Montréal (STM). Pratiquement tous les 1,3 million de pieds carrés de bureaux que compte l’immeuble sont sous bail.
Le gestionnaire a lui-même prêché par l’exemple. Ses 55 employés sont revenus au travail lundi dernier.
Mais les occupants sont-ils prêts à revenir ? « Tout le monde attend, se désole M. Hylands. On dirait que personne ne veut être le premier. » Il évalue le taux d’occupation réel à 10 % pour le moment. Il discute avec chacun des locataires, notamment pour leur expliquer les mesures mises en place pour rendre l’immeuble sécuritaire. « Ils sont impressionnés, mais ils n’ont pas encore pris leur décision. »
M. Hylands croise les doigts pour que les travailleurs reviennent graduellement en juin et en juillet, l’ouverture annoncée des camps de jour le 22 juin aidera en ce sens.
Il risque toutefois d’être déçu. Dans son plan d’action pour maintenir la vitalité du centre-ville de Montréal durant les prochains mois, le comité de travail dirigé par Michel Leblanc, de la Chambre de commerce, et Monique Simard, du Partenariat du Quartier des spectacles, évoque que seulement 25 % des travailleurs reviendront au centre-ville d’ici la fin de 2020. M. Leblanc dit être arrivé à ce chiffre après avoir discuté avec de grands utilisateurs de bureaux au centre-ville.
Des messages aux autorités
La situation dans les tours de bureaux diffère des centres commerciaux en ce sens que le gouvernement provincial n’a jamais ordonné la fermeture des premières, contrairement aux seconds. Tandis que les annonces sur le déconfinement des différents secteurs de l’économie se succèdent jour après jour, rien n’est avancé sur le retour des travailleurs au centre-ville, sans doute pour cette raison.
Le président de Kevric voudrait que le gouvernement de François Legault annonce formellement que le temps est venu pour la reprise de l’activité économique au centre-ville avec évidemment la mise en place de mesures sanitaires appropriées.
Des sondages indiquent toutefois que les travailleurs sont toujours craintifs à l’idée de s’entasser dans les autobus et le métro en pointe, même si la STM a annoncé publiquement un plan de déconfinement le 8 mai dernier dans le but de rassurer sa clientèle. M. Hylands voudrait que la STM se fasse plus dynamique dans ses communications pour rassurer sa clientèle.