La forestière Boisaco n’a pas renouvelé sa certification du Forest Stewardship Council (FSC) après l’entrée en vigueur d’une nouvelle norme, en 2020, qui prévoit notamment une protection renforcée de l’habitat du caribou.

L’entreprise détenait une telle certification pour l’unité d’aménagement forestier 097-51, située à la fois sur la Côte-Nord et au Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui abrite la harde de caribous du Pipmuacan, menacée de disparition.

Le FSC a prévenu Québec en février que d’autres unités d’aménagement forestier sont aussi à risque de perdre leur certification en raison de l’insuffisance des mesures de protection de l’habitat du caribou, mais le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, a refusé la proposition de rencontre de l’organisme, a rapporté La Presse, jeudi.

Lisez « Un organisme international pourrait sévir contre le Québec »

Boisaco n’a donc plus accès aux acheteurs qui exigent la certification du FSC, un organisme international à but non lucratif qui certifie les produits du bois provenant de forêts gérées sainement sur les plans écologique, social et économique.

« On y tenait beaucoup », a déclaré à La Presse le directeur général de l’entreprise, André Gilbert.

Boisaco a renoncé à sa certification parce qu’elle risquait de la perdre en raison d’une rupture de la traçabilité de ses produits attribuable au Bureau de mise en marché des bois (BMMB), un organisme public qui relève du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFF), explique-t-il.

PHOTO FOURNIE PAR BOISACO

André Gilbert, directeur général de Boisaco

C’était hors de notre contrôle.

André Gilbert, Boisaco

Problème réglé

Le problème de traçabilité a été reconnu et réglé, rétorque François Dufresne, président de FSC Canada.

« Il n’y a plus rien qui empêche Boisaco de redemander la certification », outre sa propre volonté de se conformer aux exigences de la nouvelle norme renforcée, dit-il.

Et c’est précisément là que le bât blesse, selon lui.

PHOTO FOURNIE PAR LE FOREST STEWARDSHIP COUNCIL

François Dufresne, président de la section canadienne du Forest Stewardship Council.

Ils ne veulent pas perdre un mètre cube de bois.

François Dufresne, Forest Stewardship Council

Boisaco réfute cette analyse : « On n’a pas changé nos façons de faire [quand on a changé de norme] », dit André Gilbert, expliquant que Boisaco s’est tournée vers la certification Sustainable Forestry Initiative (SFI).

L’entreprise n’a pas les ressources pour obtenir à nouveau celle du FSC, en plus, dit-il.

« C’est laborieux, ce sont deux systèmes différents », explique André Gilbert, ajoutant que le processus peut prendre près d’un an.

« Le FSC ne nous donne rien de plus auprès de nos clients », dit-il.

FSC contre SFI

Des deux certifications qui attestent d’un aménagement durable des forêts, celle du FSC est la plus connue et la plus stricte, explique l’ingénieur forestier Luc Bouthillier, professeur au département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval.

La norme SFI a été établie à l’origine par l’industrie forestière étatsunienne, ce qui lui vaut souvent les critiques d’organisations environnementales, pour qui « les dés sont pipés », dit-il.

La norme FSC, elle, a été instaurée par des organisations environnementales, dont le Fonds mondial pour la nature (WWF, en anglais) et Greenpeace, et bénéficie du soutien d’entreprises forestières et de syndicats de travailleurs.

La norme SFI impose de suivre les exigences gouvernementales, tandis que la norme FSC dicte ses propres exigences, comme de ne pas dépasser le seuil de 35 % de perturbation de la forêt, indique le professeur Bouthillier.

La norme FSC prévoit des contrôles intérimaires entre les renouvellements, ce qui n’est pas le cas de la norme SFI, à moins d’irrégularités majeures, ajoute-t-il.

« Si vous voulez montrer patte verte, FSC, c’est la norme à avoir », dit Luc Bouthillier.

Mais ça ne veut pas dire qu’elle est meilleure, précise-t-il, estimant qu’on peut aménager la forêt tout aussi durablement avec la norme SFI.

« La vraie question, c’est : qu’est-ce qui fait la différence sur le terrain ? », dit-il, estimant que dans certains cas, les exigences imposées par la norme FSC peuvent s’avérer insuffisantes.

Qu’est-ce que Boisaco ?

Boisaco est une entreprise nord-côtière fondée en 1985 lors du rachat de la scierie de Sacré-Cœur, après trois faillites, par deux coopératives de travailleurs et un fonds d’investissement issu de la communauté régionale. L’actionnariat s’est aujourd’hui élargi et a fait d’autres acquisitions, si bien que le groupe compte désormais huit usines de transformation du bois et quelque 600 employés sur la Côte-Nord et au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Boisaco est active dans la récolte, l’aménagement, le transport et la transformation du bois, notamment dans la fabrication de panneaux, l’ensachage de la ripe et la fabrication de granules écoénergétiques.

En savoir plus
  • 7 millions
    Nombre d’hectares de forêts chevauchant l’aire de répartition du caribou au Québec ayant la certification FSC
    source : Forest Stewardship Council