La cimenterie qui porte maintenant le nom de Ciment St Marys a reçu le 30 juin dernier un avis préalable à une ordonnance, signé par le ministre Benoit Charette. Le ministère de l’Environnement lui reproche des émissions fréquentes de poussières qui excèdent les normes et demande au pollueur de corriger la situation.

En date du 31 mai 2022, le Ministère a recensé 80 signalements à Urgence-Environnement et 11 plaintes pour des émissions de poussières ou la qualité de l’air de la part de personnes résidant à proximité de l’usine McInnis, lit-on dans l’avis préalable.

De plus, entre le 13 août 2020 et le 8 septembre 2021, au moins 10 cas de bris d’équipement ont occasionné l’émission de poussières sur le site de l’usine McInnis.

Les plaintes contre les poussières émises par la cimenterie font les manchettes dans la région depuis l’été 2020. À l’occasion, une poussière collante, rugueuse, qui se mêle à l’humidité, colle aux bâtiments et aux voitures, a rapporté Radio-Canada Gaspésie le 30 juin 2021.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Benoit Charette, ministre de l’Environnement

« Malgré plusieurs avis de non-conformité et une enquête pénale en cours, le Ministère a dû évaluer d’autres recours à sa disposition pour faire corriger cette situation. Ainsi, le ministre entend signifier à l’entreprise une ordonnance afin de la contraindre à corriger cette problématique. Tel que l’exige la [loi], l’ordonnance doit être précédée d’un avis préalable, lequel a été signifié à l’entreprise le 30 juin 2022 », est-il précisé dans le communiqué diffusé par le Ministère jeudi.

L’avis demande notamment à la cimenterie de cesser le rejet de poussières dans l’environnement au-delà des normes, d’accorder un mandat à un expert indépendant pour voir au bon fonctionnement des équipements d’épuration de l’air et de soumettre au Ministère un plan de contrôle des contaminants atmosphériques avec un échéancier de travaux.

« Ça correspond à l’une de nos revendications qu’il y ait une évaluation indépendante du procédé de la cimenterie, dit l’écologiste Pascal Bergeron, d’Environnement Vert Plus (EVP). C’est quand même un pas important franchi par le ministère de l’Environnement dans le dossier. »

Budget de 40 millions pour corriger la situation

« Nous travaillons activement et continuerons à travailler en étroite collaboration avec le MELCC et des experts externes afin d’atténuer et gérer les poussières générées par les processus de production et rendre compte de nos progrès », a fait savoir la société par l’entremise d’un courriel de Chris Mason, directeur des communications et de l'image de marque, Amérique du Nord. La cimenterie dit avoir prévu un budget de 40 millions cette année pour des « améliorations opérationnelles et environnementales ».

M. Bergeron en entend parler pour la première fois. « C’est quoi, le plan de match ? Pourquoi 40 millions ? Que vont-ils faire avec ça ? On n’en a aucune idée. La direction de la cimenterie ne se manifeste pas sur ce qu’ils font », déplore le représentant d’EVP.

La cimenterie est un projet de la famille de Laurent Beaudoin et de la Caisse de dépôt qui a connu de nombreux dépassements de coûts lors de sa construction. Elle est entrée en exploitation en 2017. En 2021, Ciment McInnis été rachetée par le sixième producteur mondial de ciment, Votorantim Cimentos du Brésil. D’ailleurs, beaucoup des préoccupations soulevées dans le préavis « étaient antérieures à la gestion de l’usine par Ciment St Marys », souligne la société.

Au fil des ans, la Caisse de dépôt a mis près d’un demi-milliard dans la cimenterie. Depuis la transaction avec Votorantim, le bas de laine des Québécois détient 17 % d’une coentreprise St Marys dans laquelle se trouvent cinq cimenteries, dont celle de Gaspésie. Au 31 décembre, sa participation dans la coentreprise avait une valeur de 100 à 150 millions.