Donatello et Indie adorent passer la journée au bureau avec leur maître chez Turbulent. Dans un marché de l’emploi compétitif, l’idée d’être accompagné par son chien plaît à de nombreux candidats et augmente la rétention, observe le studio de création numérique.

Bien avant la pandémie et l’engouement marqué pour les animaux de compagnie, la firme Turbulent avait accepté la demande d’un employé qui venait d’adopter un chiot.

« Si l’employé laissait Whisky seul à la maison, il était très malheureux, relate le président et cofondateur Marc Beaudet. Au début, le maître et le chiot s’installaient dans une salle de réunion, parce que la bête était trop turbulente. »

« Ensuite, il y a eu un autre employé dérouté parce que son chien jappait tout le temps quand il était seul à la maison, poursuit-il. Un chien qui souffrait d’insécurité aujourd’hui décédé. »

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Marc Beaudet, président et cofondateur de Turbulent

Ces jours-ci, des corgis, basset anglais, lévrier, danois et un chien de rue de Thaïlande à trois pattes se côtoient au bureau. Les maîtres s’assurent que leur animal ne dérange pas, ne jappe pas et, surtout, ne détruise pas le mobilier.

Pendant qu’ils travaillent sur le jeu vidéo populaire Star Citizen, sur des jeux d’Ubisoft, sur le site de Ricardo ou sur la plateforme de résolution de bogues PleaseFix, les maîtres attachent leur chien à leur chaise de bureau ou à leur poste de travail.

L’entreprise a tout pour accueillir ces animaux : tapis, matelas, bols et plats pour les nourrir.

Des études ont démontré que la présence d’animaux au boulot diminuait le stress des employés, augmentait la productivité et facilitait la communication dans les équipes. Le président de Turbulent le constate au sein de ses troupes de professionnels du jeu vidéo et d’informatique.

« Il y a des gens qui ont postulé, ici, parce qu’on permet les chiens, raconte-t-il. Les gens se sentent coupables s’ils laissent leur chien 40-50 heures seul à la maison. Ils sont aussi stressés parce que le chien mange les meubles ou jappe toute la journée. »

« Les employés qui n’ont pas de chien sont contents de pouvoir profiter des bénéfices qu’offre un animal de compagnie sur leur lieu de travail. Ils les flattent et les aiment, poursuit-il. Pour l’instant, on ne permet que les chiens. Certains employés ont des serpents, mais je ne suis pas rendu là. »

Prisé par la génération Z

Un sondage Léger, réalisé pour PetSafe, révélait en mars 2022 que 37 % des Québécois accepteraient que leurs collègues soient accompagnés de leur animal de compagnie au bureau. Chez les employés de la génération Z du Québec, ils sont 66 % à souhaiter que leur patron adapte l’environnement de travail pour les animaux.

Très tendance chez Google, Amazon, Ticketmaster et Nestlé Purina aux États-Unis, rares sont les entreprises au Québec qui permettent d’amener Fido au boulot. Outre la firme Turbulent, Moment Factory et Mondou l’affichent officiellement. Une entreprise japonaise, Pasana Group, a décidé de pousser la zoothérapie au maximum en n’accueillant rien de moins que des vaches, des cochons, des chèvres et des alpagas au 13e étage de son immeuble à Tokyo.

« Il faut que l’employeur facilite la vie de ses employés », affirme le cofondateur de Turbulent, dont les revenus ont triplé depuis 2019, passant de 7 millions à plus de 20 millions de dollars cette année.

Si tu dis aux employés qu’ils doivent venir au bureau et doivent faire une heure ou une heure et demie de transport sans bénéfices supplémentaires, il faut que le bureau devienne un endroit invitant qui t’accueille comme tu es.

Marc Beaudet, président et cofondateur de Turbulent

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Benoit Danis accompagné de son chien Donatello, un danois, et Martin Le Bas accompagnée d’Indie, un lévrier

Des règles claires

Avant d’aller de l’avant avec l’idée, Comptables professionnels agréés Canada (CPA) conseille de consulter le propriétaire de l’immeuble, les employés pour vérifier les allergies et les craintes, de déterminer les espèces permises, le nombre d’animaux en même temps et d’avoir une politique officielle qui explique la responsabilité en cas de dommages matériels ou corporels.

C’est ce que Turbulent a fait. Les règles sont claires, affirme Marc Beaudet. Lors des entrevues d’embauche, l’entreprise avertit qu’il peut y avoir des chiens sur place. Ceux qui ont peur des chiens peuvent travailler sur un autre étage.

« Un moment donné, il y a eu trop d’employés qui amenaient leur chien en même temps, se souvient Marc Beaudet. Ça jappait, ça se courait après dans le bureau. Ils s’étaient mis à jouer comme dans un parc à chiens. On a donc été obligé de faire des règlements, car ça reste un bureau. »

  • Donatello est bien sage pendant que son maître travaille sur un projet.

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    Donatello est bien sage pendant que son maître travaille sur un projet.

  • Indie en profite pour s’étirer pendant la pause de son maître.

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    Indie en profite pour s’étirer pendant la pause de son maître.

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Choisir ses collègues

La présence au bureau est hybride, mais pas obligatoire. Les employés viennent quand ils veulent et réservent leur espace de travail avec une plateforme en ligne.

Pour séduire les employés, Turbulent a aussi un chalet en Estrie, offre des cours de langues secondes et un lab électronique avec imprimante 3D pour les projets personnels.

Ce qui ressort des sondages de satisfaction des employés, relate Marc Beaudet, c’est qu’ils sentent que l’entreprise est bienveillante à leur égard. Turbulent va jusqu’à mettre fin à des contrats avec des clients qui sont irrespectueux avec ses employés. « On aime mieux perdre un client que de perdre des employés. »

Le taux de roulement est de moins de 5 % en 2022 dans un contexte où les entreprises se volent des employés, soutient-il. « Les recruteurs n’appellent plus nos employés, parce qu’ils veulent rester. »

Turbulent, qui souhaite passer de 150 à 200 employés dans les prochains mois, mise sur ses projets excitants et sur la composition de ses équipes. Ce sont d’ailleurs les employés eux-mêmes qui recrutent les collègues avec qui ils vont travailler sur un projet.

« Copier une rampe de skate, copier des infrastructures, c’est facile, mais créer une dynamique, qu’il y ait une belle complicité dans l’équipe, c’est ça qui va créer une adhésion et qui fait que les gens restent », conclut-il.