Ancien fleuron de l’industrie des télécommunications, ITF Technologies procède à sa quatrième ronde successive de mises à pied à ses installations de l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal. L’entreprise avait fait les manchettes pour des raisons de sécurité nationale quand elle était passée sous contrôle chinois en 2014. Elle se cherche aujourd’hui un repreneur.

ITF fabrique des composants, des sous-systèmes et des modules photoniques, dont des multiplexeurs et des lasers.

Depuis février dernier, elle a annoncé le licenciement de 84 de ses travailleurs. La dernière ronde date du 22 août. Jointe jeudi, l’entreprise n’a pas voulu commenter sa situation ni sa mise en vente.

Il s’agit de tout un revirement de fortune pour cette société considérée comme un joyau du temps des années de gloire de Nortel. Elle a su ensuite développer des technologies recherchées, ce qui a inquiété les autorités canadiennes quand ITF a été vendue à des Chinois.

« Des organismes de sécurité nationale — dont le Service canadien du renseignement de sécurité — ont jugé en 2015 que l’acquisition d’ITF par O-Net “minerait un avantage technologique que les forces armées occidentales ont sur la Chine” », écrivait le collègue Maxime Bergeron en mars 2017.

ITF est un essaimage de Polytechnique Montréal, cofondée par Éric Geoffrion et François Gonthier. Elle a déjà compté plusieurs centaines d’employés, notamment de nombreux titulaires de doctorat.

Au début des années 2000, elle bénéficiait du financement d’Investissement Québec, et tous les espoirs étaient permis.

ITF détient le « passeport de l’avenir et participe ainsi à la véritable mutation que connaît l’économie québécoise », disait à l’époque Lucien Bouchard, ex-premier ministre.

Aujourd’hui, une source gouvernementale qui n’est pas autorisée à parler publiquement indique que l’entreprise n’a pas demandé l’aide de Québec. Chez Investissement Québec, on indique qu’il n’y pas de dossier actif concernant ITF.

Joint électroniquement, le cofondateur François Gonthier a confirmé la mise en vente de son ancien bébé, mais a refusé d’en dire plus, étant lié par une entente de confidentialité.

Un travailleur et un ancien employé d’ITF ont aussi indiqué à La Presse que la société montréalaise était mise en vente.

« L’entreprise ITF Technologies, de Saint-Laurent, est à vendre. Elle doit l’être prochainement sinon elle sera fermée », a indiqué l’un d’eux. Il a demandé l’anonymat, étant encore au service de l’entreprise.

« Le moral des troupes n’est pas fort, confie un ancien employé qui a quitté le navire en 2022. Les employés sont dans l’insécurité. Ils ne savent pas trop ce qui s’en vient pour eux. Quatre leaders de projets sont partis cette année. » Il ne veut pas être identifié pour ne pas avoir d’ennuis, travaillant maintenant pour un concurrent.

Selon lui, ITF comptait 300 employés à la fin du mois d’avril. Mais depuis, l’entreprise a transféré la production de lasers en Thaïlande, d’où les rondes de mises à pied successives à l’usine montréalaise.

L’histoire mouvementée d’une entreprise innovante

1998 : Fondation d’ITF Technologies optiques, concepteur et fabricant de composantes optiques

2006 : Avensys acquiert ITF Technologies optiques.

2009 : La Française 3S Photonics (3SP) rachète Avensys et ITF.

2014 : O-NET Communications, de Chine, fait l’acquisition d’Avensys Inc. et d’ITF Labs, qui faisaient partie du Groupe 3SP. Avensys fusionne avec ITF Labs pour créer ITF Technologies.

2015 : Le gouvernement de Stephen Harper bloque la transaction, estimant que l’acquisition peut représenter un risque pour la sécurité nationale du Canada.

2017 : Le gouvernement Trudeau autorise la vente d’ITF à O-NET.

2022 : La société licencie près de 90 personnes et l’entreprise est sur le marché, selon nos informations.