La haute direction d’Azure Power Global – dont un membre choisi par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) – est sévèrement critiquée dans le cadre d’une action collective. On lui reproche son laxisme auprès des actionnaires avant la débâcle boursière survenue l’été dernier et qui a coûté plusieurs centaines de millions au bas de laine des Québécois.

En plus de passer au peigne fin les allégations d’irrégularités qui minent ses activités, le producteur indien d’énergie renouvelable – dans lequel l’institution québécoise a investi plus d’un demi-milliard de dollars – est plongé dans une bataille judiciaire.

« Les gestes et omissions des défendeurs ont entraîné une chute précipitée de la valeur des actions de la société et [les demandeurs] ont subi des pertes et dommages importants », soutient la requête, déposée auprès des tribunaux new-yorkais et que La Presse a pu consulter.

Ces allégations n’ont pas encore été prouvées en cour et les sommes réclamées ne sont pas chiffrées. Azure affirme qu’elle compte se « défendre vigoureusement ». La CDPQ n’a pas voulu faire de commentaires, vendredi.

La démarche risque néanmoins de s’amplifier. Une requête amendée est attendue dans les prochaines semaines. Elle risque de tenir compte de la récente tournure des évènements. Le 25 janvier dernier, Azure révélait notamment de nouveaux squelettes dans son placard en plus de prévenir que l’argent dans ses coffres pourrait être insuffisant pour répondre à ses obligations.

Parallèlement à l’entreprise, quatre individus sont montrés du doigt, dont Alan Rosling, choisi par la CDPQ pour prendre les rênes du conseil d’administration d’Azure en octobre 2021. Cet homme d’affaires qui a travaillé en Inde a aussi temporairement été chef de la direction l’an dernier.

Les autres personnes sont Ranjit Gupta (patron de juillet 2019 à avril 2022), Harsh Shah (président pendant seulement deux mois l’été dernier) et le directeur financier Pawan Kumar Agrawal.

Tous ces gestionnaires ont été nommés alors que la CDPQ prenait de plus en plus de place au sein de l’actionnariat d’Azure. Elle contrôle maintenant 53 % de l’entreprise, devant le Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (21,5 %).

Silence accablant

On reproche aux défendeurs d’avoir attendu trop longtemps – jusqu’au 29 août dernier – avant d’annoncer une enquête interne sur de potentielles irrégularités alors qu’un lanceur d’alerte s’était manifesté trois mois auparavant. Pendant plusieurs mois, Azure a donné l’impression que tout allait comme sur des roulettes alors que c’était faux, souligne le document.

Les défendeurs savaient que des éléments défavorables n’avaient pas été divulgués au public. Ils sont responsables des fausses déclarations.

La requête en action collective déposée auprès des tribunaux new-yorkais

M. Rosling et les autres cadres avaient pourtant été alertés à propos de potentielles manipulations de données, ce qui témoignait d’inefficacités dans les contrôles internes, affirment les plaignants. Néanmoins, Azure a décidé d’attendre avant de faire le point publiquement, déplorent-ils.

Sur le parquet de la Bourse de New York, Azure avait vu le cours de son action plonger de 44 % après avoir révélé les premières irrégularités. Le titre ne s’est toujours pas relevé. Il se négociait, vendredi, aux alentours de 4,15 $ US. À son sommet, au début de 2021, le placement de la CDPQ valait approximativement 1 milliard US. Il a fondu à 142 millions US.

Selon Patric Besner, vice-président de l’Institut sur la gouvernance des organisations privées et publiques, la stratégie des plaignants dans ce dossier est de « peinturer les responsables dans un coin ».

Dans le néant

« Soit la direction était au courant et n’a rien fait, soit elle aurait dû savoir que quelque chose clochait, résume l’expert. On utilise de gros mots [dans la requête], mais reste à voir si cela fonctionnera. C’est difficile à dire à ce stade-ci. »

Plusieurs questions – comme le point sur ses finances et l’identité de son prochain dirigeant – sont toujours sans réponse chez Azure.

On sait toutefois que trois autres projets solaires montrent des irrégularités, alors qu’un seul faisait auparavant l’objet d’allégations. De plus, un comité spécial du conseil d’administration examine les contrats des trois dernières années pour vérifier s’il y a eu des gestes de corruption ou d’autres irrégularités.

Il enquête aussi sur des allégations de malversation visant d’ex-dirigeants, qui n’ont pas été nommés.

En savoir plus
  • 2016
    Année du premier investissement (un placement privé de 75 millions US) de la CDPQ dans Azure
    Source : Caisse de dépôt et placement du Québec